lundi 10 décembre 2007

Nouveau record à Bonne Espérance pour Francis Joyon





C'est le second moment fort et important de son tour du monde en solitaire qu'a connu aujourd'hui Francis Joyon en franchissant à 18 heures et 21 minutes française la longitude exacte du cap de Bonne Espérance, pointe australe* du continent Africain et symbole mythique, avec ses "confrères" Leeuwin et Horn, des circumnavigations sportives. Temps fort au sens propre du terme car le skipper du grand trimaran IDEC n'aura mis "que" 15 jours, 7 heures et 16 minutes pour parcourir la distance depuis Brest, 6 200 milles environ en route directe théorique. Francis et IDEC ont en réalité parcouru 7 400 milles pour atteindre ce point, à 20,12 noeuds de moyenne!! Ellen Macarthur sur son trimaran Castorama avait, elle, réalisé le temps alors jugé exceptionnel de 19 jours, 9 heures, 46 minutes. Un score que Francis vient donc d'améliorer de 4 jours, 2 heures et 30 minutes.

©JM Liot/DPPI/Idec
Ce chrono exceptionnel fait de lui le skipper le plus rapide de tous les temps en solitaire, mais aussi améliore les records établis en 2002 et 2003 par les multicoques géant Orange I et Géronimo pourtant maniés en équipage! Seul Orange 2, le maxi catamaran de Bruno Peyron détenteur du trophée Jules Verne aura fait mieux en 2005 avec un temps de 14 jours, 05 heures, 21 minutes.

Après le déjà spectaculaire record sur la distance Brest-Equateur, 6 jours 16 heures et 58 minutes, c'est un second temps référence qui tombe dans l'escarcelle du skipper Morbihanais. Heureux mais loin de tout triomphalisme, "c'est toujours bon à prendre", Francis, conscient de la relativité de ces records (cf le démâtage du monocoque de Vincent Riou survenu à quelques encablures d'IDEC), est plus que jamais appliqué à maintenir le bon compromis entre vitesse et vigilance. Témoin ce petit contre-bord effectué à la mi-journée pour recaler IDEC au coeur du flux d'Ouest Nord Ouest et conserver un fort régime de vent (25 noeuds). Par près de 45 degrés de latitude Sud, Joyon observe à présent le déplacement dans son Sud Ouest d'une dépression très creuse avec des vents de 40 noeuds et plus...


AU RYTHME D'UNE TRANSAT

Loin de baisser le rythme et de lever le pied après une descente de l'Atlantique express, Francis Joyon est bien décidé à profiter au maximum de sa bonne position en avant d'une dépression pour gagner toujours et encore dans l'Est. Son tempo est même reparti à la hausse avec 560 milles nautiques parcourus ces dernières 24 heures. L'Océan Indien accueille la grande « flèche rouge » avec bienveillance. La houle, longue et belle demeure ordonnée et le vent de Nord Ouest est au rendez-vous. IDEC en profite pour fuir à toute allure devant le front dépressionnaire. Le Sud est là, avec ses bancs de brume que Joyon transperce en aveugle, et les premiers albatros venus planer, méfiants et solitaires, autour de cet étrange pèlerin des immensités désolées.

Une première partie de course très satisfaisante_Après un gros quart du parcours de ce tour du monde à la distance traditionnellement estimée à 21 600 milles, Francis Joyon affiche une certaine satisfaction ; « Je suis hyper content du temps de cette première partie. J'ai eu du vent pas trop fort et le bateau a vraiment bien marché. J'ai pu tirer dessus comme en Transat. J'étais dans un rythme de transat durant toute cette descente. J'ai pu suivre une trajectoire assez propre sans « tricoter ». L'Equateur d'abord, Bonne Espérance hier… la chasse aux temps référence est fructueuse. Joyon en paie le prix, à coups de fatigue et d'un stress que dissimule naturellement son tempérament placide. « Je dois continuer sur mon rythme actuel, sous peine de me retrouver dans la galère si la dépression me rattrape. Le vent fluctue beaucoup en force. Dès qu'il faiblit, je renvoie de la toile. Dès qu'il forcit, il faut abattre, réduire, attendre que les choses se stabilisent, puis relancer à fond jusqu'au prochain ralentissement où il faudra renvoyer la toile, et ainsi de suite depuis des jours…Il faudra bien reprendre un rythme de tour du monde un jour, mais ce n'est pas pour les 24 ou 48 heures à venir… »__Rester dans le vent de Nord-Ouest_IDEC et Francis Joyon continuent donc de forcer leur destin. Les étonnantes capacités du bateau, ajoutées aux stupéfiantes habilités du marin de Locmariaquer à tenir des jours durant et avec lucidité la maîtrise de son œuvre, permettent au duo IDEC-Joyon de prolonger aujourd'hui encore, et pour peut-être deux, voire quatre jours selon les modèles, cette extraordinaire trajectoire sous le continent Africain. En parvenant à glisser le plus longtemps possible en avant du front dépressionnaire qui gronde dans son Sud-Ouest, Francis bénéficie d'une mer toujours bien ordonnée, « avec une aimable houle de Sud-Ouest », et ce vent de Nord Ouest oscillant entre 17 et 26 nœuds dont le plan Irens Cabaret extrait sans effort ses 23 nœuds de moyenne quotidiens. « Le bateau va plus vite que ses polaires ; je peux rester dans le vent de Nord-Ouest et ne pas être rattrapé par le front dépressionnaire, et éviter dans l'immédiat le mauvais temps… » Francis Joyon n'envisage donc pas pour le moment de pousser plus au sud sa route actuelle qui le mène plein Est à croiser dans quelques jours bien au Nord des archipels de Crozet et de Kerguelen. « Avec ce Nord Ouest, si je descend, je ralentis. J'ai donc tout intérêt à garder mon cap actuel. »_Et de conclure avec humour, « Mon concurrent immédiat, c'est la météo. »