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dimanche 4 mai 2008

AG2R : DEUX SEMAINES DE MER




Deux semaines qu'ils sont partis, qu'ils sillonnent l'Océan Atlantique. Avec l'île de Saint-Barthélemy en point de mire, les équipages de la Transat AG2R sont encore et toujours dans l'attente. Mâtinée d'espoir sur la route du sud ou pour les centristes qui ont enfin sorti le spinnaker. Pavée d'intentions malignes pour les rescapés de la route du nord qui, du haut de leur rempart, attendent la sortie salvatrice....

Circonspection ou méthode Coué, les tandems de cette Transat AG2R sont dans l'attente. Tels le sous-lieutenant Drogo qui veille sur le désert des tartares du haut de sa forteresse ou la sœur Anne de Perrault, les hommes du nord guettent l'évolution des fichiers météo. A l'affût du moindre signe, ils prennent leur mal en patience, espérant tout à coup le plus petit signe annonciateur d'un changement de main. Pour l'heure, ce petit groupe de six bateaux continue son chemin de croix : cirés complets, campés debout sur les portières, il est clair que pour ceux-là, plus le temps passe et moins le bonheur est dans le près… Christopher Pratt à bord de Financo ne veut pas perdre espoir : « On a passé une nuit humide au près, avec de la mer. La matinée est plus ensoleillée. On envisage une porte de sortie. On a hâte d'y être car c'est assez humide. Mais je préfère le ciré et que ça passe, plutôt que le short et ne pas gagner la course… »

A la recherche du temps perdu
Sur la voie royale du sud, les chevaliers du guet tentent de refaire leur retard. En acceptant de rallonger considérablement leur route, ils ont pris le risque de voir les Barbe-Bleue du nord leur croquer sous le nez cette victoire qu'ils attendent de leurs vœux. D'un côté, le plaisir de cravacher sous spi, sous le soleil, compense largement leur inquiétude de ne pas être à l'heure au rendez-vous. Jean-Paul Mouren sur SNEF–Cliptol Sport, en bonne estafette des méridionaux en témoignait à la vacation de midi : « On a touché un alizé modéré. C'est notre dernière phase d'investissement. Cela va bientôt sentir le roussi. Il faudra que l'on capitalise à un moment ou à un autre. Nous avons ouvert un peu le jeu. On a tout de même le droit de toucher des dividendes. On ne se sent pas en supériorité. On a tout de même pas mal de milles à récupérer… » Autre son de cloche à bord de Concarneau Saint-Barth où Miguel Danet décidait de la jouer décalé : « Si j'arrive à Saint Barth' tout blanc, je vais me faire taper sur les doigts. Ca s'appelle l'option « cochon grillé ». On fait des milles. C'est bien. Au niveau nourriture, c'est comme au restaurant. On a un petit traiteur tous les midis. » Comme quoi le simple fait de pouvoir glisser dans les alizés retrouvés redonne des couleurs au mental.

Au centre du plan d'eau, les allures portantes sont enfin au rendez-vous et l'ambiance s'en ressent. Qu'il s'agisse de Corentin Douguet à bord de Suzuki Automobiles, de Jeanne Grégoire à bord de Banque Populaire ou de Fabrice Amédéo sur Aquarelle Le Figaro, tous goûtent au plaisir immodéré de glisser à bonne allure vers la ligne d'arrivée. Seul Bertrand de Broc sur Les Mousquetaires affichait une prudence de vieux briscard devant la situation : « On essaye la route la plus courte. On va tenter d'aller droit vers l'arrivée, de réussir nos options. Ca devrait aller. » Il reste que Bertrand est vraisemblablement fâché avec les batteries de cuisine ; après avoir « perdu » sa cocotte-minute au départ de Concarneau, le navigateur cornouaillais devait maintenant déplorer la casse de sa cafetière… Petits problèmes vont souvent de pair avec vrais plaisirs. Mais du nord au sud, tous continuent de seriner la même litanie : « Je ne vois rien que le soleil qui poudroie et l'herbe qui verdoie… »

Ils ont dit :

Corentin Douguet (11ème au classement de 11h)
« On a bien accéléré depuis hier soir. Nous avons réussi à passer l'anticyclone. On se rapproche de l'arrivée plus vite que nos petits copains du nord. C'est plus agréable. Nous retrouvons des conditions plus conformes à ce genre de traversée. On est des oiseaux du large à la base. Nous sommes devenus des régatiers au fil du temps. La transat est amusante. Il se passe plein de choses. Il va falloir affiner. Maintenant c'est joué. On s'est positionné. Nous verrons à la fin qui a été le plus malin. S'il y avait une suite au Figaro, j'opterais pour un bateau avec plusieurs coques. Je ne me vois pas du tout faire un Vendée Globe. Ma famille me manque déjà beaucoup. Je pencherais plus pour une Route du Rhum en sept jours. Les multicoques sont des bateaux extraordinaires. Ca me fait rêver. Mais nous n'en sommes pas là. Nous avons déjà une Transat AG2R à finir. Humainement il n'y a pas de soucis. Nous sommes un des plus vieux couples sur la transat. On aura fait 20 000 milles ensemble. Nous avons beaucoup de plaisir à naviguer sur le même bateau. »

Jeanne Grégoire (13ème au classement de 11h)
« Il fait très beau et très chaud. Le bateau va vite depuis hier soir. Nous avons eu une nuit magnifique à 8 – 9 nœuds de moyenne. Nous avions choisi une route un peu radicale à Madère. Puis on est revenu sur notre choix. On a pris 60 milles dans la queue de Cercle Vert. C'est un gros regret de ne pas avoir eu confiance dans notre option. Depuis on navigue propre. On est sur le 14, ou plutôt sur le 13 pour notre arrivée à Saint Barth. Nico bouquine un peu de temps en temps. Moi, c'est plus nettoyage du bateau et dodo. Dormir dans un bateau est un grand plaisir. On dort tellement mieux qu'à terre. J'ai ressorti la caméra. On s'est bien amusé. Nous commençons à voir des poissons volants. »

Fabrice Amadéo & Jean-Pierre Nicol (15ème au classement de 17h)
« J'ai eu un petit coup de pompe au début de l'Atlantique. Là, c'est reparti. On est bien. C'est une transat conforme à nos objectifs, et qui va s'avérer plus longue que prévu. On utilise l'eau pour les lyophilisés. Du coup on a pratiquement fini nos bidons. Nous allons attaquer les packs d'eau mobiles. A travers cette transat, il y a la découverte du bateau, du niveau élevé de la classe figaro. C'est un terrain de jeu qui me passionne avec des concurrents de grande renommée. Ceux qui font la différence sont les plus complets avec Gildas Morvan, Nicolas Troussel, devant. Après il y a des coups de poker comme Concarneau – Saint Barth. C'est une belle leçon de course au large. Normalement, une page dans le Figaro va sortir cette semaine. On va mettre en avant notre vie à bord, montrer la transat de l'intérieur. J'aimerai développer ce genre d'approche car nous vivons des choses fabuleuses. C'est bien de faire partager et découvrir tout cela aux gens. »

TRANSAT AG2R Combien de milles misés ?




Il est là et bien là. Il s’établit et permet aux monotypes du Sud d’allonger la foulée. Ils ont tous renversé la vapeur : ils gagnent de nouveau du terrain. Au Nord, Financo qui n’est pas localisé mais qu’on subodore toujours en tête a du souci à se faire. A l’arrière dans les classements, le gros des troupes a passé la surmultipliée. Une course de vitesse est lancée et les paris sont ouverts. Qui des plus radicaux ou des plus modérés vont le mieux récupérer les milles misés pour attraper coûte que coûte ce cher alizé ?

En haut de l’échiquier de l’Atlantique, une nouvelle dépression impose le rythme. Dans des vents soutenus et une mer hachée, engoncés dans leurs bottes et leurs cirés, Financo, Athema, Défi Mousquetaires et Atlantik FT peinent à progresser vers les tropiques. Sans compter qu’après 14 jours de course âprement disputés, la fatigue s’est inévitablement invitée à bord. Elle vient noircir le tableau des bateaux du Nord.
Plus au Sud, c’est une toute autre histoire. Les équipages ont démarré, ils ont tous enclenché la vitesse supérieure. Ils filent à fière allure, entre 8 et 10 nœuds, et se laissent glisser vers l’arrivée. Ils ont mangé leur pain noir et se régalent de la délicieuse et inimitable saveur de ce flux de Sud-Est. Les spis gonflés d’espoir, ils dévalent dans des surfs mérités. Que demander de plus ? Le décor est planté. L’alizé est arrivé, allons-y…

Financo en tete a 1500 milles de l'arrivee

Il est nommé désir au Sud. Au Nord, on le déteste sans le connaître. Son indécision pourrait faire le bonheur des centristes sur la route du milieu. Généré par un anticyclone, il est le juge de paix de la 9ème Transat AG2R. Mais diable, que fait l'alizé ? Au classement de 5 heures ce dimanche, les nordistes tiennent toujours tête au près. Mais, plus de 800 milles plus bas, sur les chemins détournés de la longue route du soleil, les monotypes les plus excentrés, accélèrent. Cette fois, ça y est, l'alizé est arrivé ! Une nouvelle course de vitesse est lancée…

À l'aube ce dimanche, et à 1500 milles de l'arrivée pour les premiers, seules les vitesses des 23 Figaro Bénéteau en course sur la route de Saint Barth peuvent éclairer la lanterne de la course et la lecture des classements. Au Nord, à l'Ouest et en tête, rien de nouveau, ou presque. Financo, Athema et Défi Mousquetaires, au plus proche de la route directe, sont toujours vus d'un très bon œil par Argos. Rajoutez Atlantik FT, Groupe Celeos et Degremont Suez Source de Talents et voilà le groupe des six bateaux qui se tiennent en 80 milles. En haut du plan d'eau, ils poursuivent vaille que vaille, penchés et face à des vents contraires, leur progression vers la douceur tropicale. Ils ont l'avantage d'optimiser leur trajectoire. Premiers sur le papier et forts des milles d'avance qu'ils ont laborieusement accumulés au près, ils savent néanmoins que de sérieux chamboulements sont à prévoir ce dimanche.

Les spis de sortie

Il est bien là et il pourrait leur donner des ailes ! La nouvelle nous vient de Suzuki Automobiles qui confirme l'avoir attrapé dans ses voiles… pour ne plus le lâcher ! Le spi et le moral gonflés par ce souffle salvateur qui promet de les propulser jusqu'à Saint Barth, Thierry Chabagny et Corentin Douguet ont le pied au plancher. Pour les deux pilotes du bord, une course de vitesse est lancée. Tous les indicateurs sont au beau fixe. 11ème à 271 milles des premiers, Suzuki Automobiles accélère. Aux abords des 22 degrés de latitude Nord où progressent aussi Cercle Vert, Banque Populaire, Sopra Group et Lenze, les speedos ont repris des couleurs depuis hier. Tous ces Figaro Bénéteau progressent à 7-8 nœuds…
Tout en bas, sur la route du soleil, les affaires reprennent aussi pour les six bateaux engagés sur ces chemins détournés. La pétole, c'est désormais de l'histoire ancienne. Dans ces parages, il fait chaud, il fait beau. C'est parti pour des grandes glissades à 8-9 nœuds avant que les choses et le rythme ne s'accélèrent encore. Seule ombre à ce tableau de rêve : il reste entre 2000 et 1900 milles à parcourir pour rejoindre la douceur tropicale de Saint Barthélemy…

Ils ont dit…
ATHEMA – Erwan Tabarly – 2ème au classement de 5h
« Je viens de voir le classement : c'est bien, on a bien avancé. Par contre on regarde Cercle Vert et on se dit que c'est un peu moins bien pour nous, on espérait qu'il resterait collé un peu plus longtemps… Mais ça y est, ils sont sur la route des alizés, ça commence à être chaud pour nous!
On a 20/25 nœuds de vent, on est au près débridé. Il y a un peu de mer, ça va vite, on avance à 7 nœuds environ. Jusqu'à maintenant, on a engrangé un maximum de milles par rapport aux bateaux du Sud. À présent, on s'apprête à en perdre durant la phase de transition, avant de réussir à toucher les alizés. Mais bon, c'est comme ça, c'était prévu… À nous de ne pas perdre trop de temps. Nous avons mis le cap vers l'Ouest car une seconde dépression avec des vents de Sud-Ouest arrive. On fait de l'Ouest en bâbord. Le vent va monter dans la matinée, on va avoir jusqu'à 25/30 nœuds, puis ça va mollir. Nous avons enlevé le génois il y a 3 heures pour mettre le Solent. On n'arrête pas les changements de voiles. Dans le Nord, on est bien rodé ! On a un petit problème de moteur depuis hier soir, on ne peut pas charger les batteries, ni utiliser le pilote. Il va donc falloir mettre le nez dedans : on va faire un peu de mécanique. En tout cas nous allons bien, c'est la forme, on tient le coup… »

SUZUKI AUTOMOBILES – Corentin Douguet – 11ème au classement de 5h
« Tout va bien. On a sorti le spi du sac depuis hier soir et il ne devrait pas y retourner avant St Barth. C'est hyper agréable, ça glisse. Nous sommes très contents : ça comment à ressembler à une vraie Transat AG2R ! Actuellement on touche le début de l'alizé, on va accélérer et la route devrait s'infléchir vers l'ouest au fur et à mesure. Le groupe du Nord navigue dans des conditions très différentes, ils ne font plus partie de la concurrence pour nous, mais on pense à eux…. Nous surveillons plutôt les bateaux qui ont les mêmes conditions que nous. On va essayer de sortir de ce paquet-là. Désormais, il n'y a plus vraiment de stratégie, il faut avancer… C'est parti pour une course de vitesse, mais il ne faut pas croire non plus que c'est l'autoroute et que l'on cale le régulateur de vitesse jusqu'au prochain péage ! L'alizé n'est pas un vent stable, il y a des oscillations, il faut adapter les réglages et être tout le temps dessus. Oui ça commence à tirer sur les organismes, mais maintenant c'est quand même tout confort… C'est bien de ne plus se faire éjecter de la bannette, pourvu que ça dure ! Pour moi, on sortira avant les sudistes. Notre danger c'est Cercle Vert, on les chasse depuis Madère… On est capable d'aller le chercher avant l'arrivée. Ce ne sera pas facile car Le Cam et Morvan ce ne sont pas non plus des régatiers du dimanche ! »
Solarinox, RonanGuerin
SOLARINOX – Ronan Guerin – 17ème au classement de 5h
« Nous sommes sous spi depuis hier soir. Nous avons touché les alizés plus tôt que prévu, hier en milieu d'après-midi. Donc ça va bien, la nuit a été bonne. Là, on navigue à 10/12 nœuds avec 20 nœuds de vent. Ça défile, le bateau surfe, on est en route vers St Barth. Il nous reste moins de 2000 milles avant l'arrivé. Par contre il fait très chaud ! En journée à la barre, c'est parfois très dur. Maintenant, il nous reste à gérer le vent et les petits copains qui sont avec nous (SNEF-Cliptol Sport, ndrl). Nous naviguions encore à vue hier soir; là, on ne les voit plus car on a tiré des bords un peu différents ensuite. Ce sont les concurrents les plus menaçants… »


Très, trop cher alizé ?

L’heure est enfin venue d’obtenir un retour sur investissement. L’éparpillement de la flotte sur l’océan, la diversité des itinéraires empruntés révèlent néanmoins que tous n’ont pas joué les mêmes sommes. Ils n’ont pas misé le même nombre de milles. Au « Grand Sud », sur une route qui les a conduits jusqu’à longer le Cap Vert, les plus radicaux (Concarneau-Saint Barth et Sojasun) ont joué gros. Très gros. Ils ont logiquement touché leurs premiers dividendes plus tôt. Dès hier, ils avaient attrapé l’alizé et accéléré la cadence. Pas étonnant donc qu’Eric Peron et Miguel Danet décrochent le Trophée AG2R de la Performance Solidaire du jour. Concarneau-Saint Barth a parcouru 221,5 milles sur les dernières 24 heures. Pour autant devant leur étrave, il leur reste un bon bout de chemin : plus de 2 100 milles. Il ne leur faut plus traîner…
D’autres extrémistes, les désormais inséparables Solarinox et SNEF-Cliptol Sport, commencent aussi à se renflouer. A l’instar des inconditionnels de la « Longue Route du Sud », ils n’ont pas fait dans la demi-mesure et ont parié cher. Leur somme de départ, le retard accumulé se chiffrait ce matin à 450 milles. En 6 heures, ils ont récupéré une trentaine de milles. Ils progressent à 8 nœuds environ…

De la rentabilité dans l’air ?

Et les autres alors ? Tous les Cercle Vert, Suzuki Automobiles et autres Banque Populaire… Tous ceux-là ont joué, mais modéré leur investissement. Ils ont observé les tendances pour plonger au Sud quand l’horizon se bouchait irrémédiablement au Nord. Aujourd’hui dimanche, eux aussi ont inversé le processus. Finie la grande descente dans les classements, place au retour sur investissement. En 6 heures, ils ont également récupéré la coquette somme d’une trentaine de milles. Ils affichent désormais un retard de moins de 250 milles sur les premiers. Avec des jolies vitesses de 9-10 nœuds au compteur, ils sont partis pour se faire une santé au soleil du classement à vitesse grand V. Rentable leur petite affaire ? Cela en a tout l