Deux semaines qu'ils sont partis, qu'ils sillonnent l'Océan Atlantique. Avec l'île de Saint-Barthélemy en point de mire, les équipages de la Transat AG2R sont encore et toujours dans l'attente. Mâtinée d'espoir sur la route du sud ou pour les centristes qui ont enfin sorti le spinnaker. Pavée d'intentions malignes pour les rescapés de la route du nord qui, du haut de leur rempart, attendent la sortie salvatrice....
Circonspection ou méthode Coué, les tandems de cette Transat AG2R sont dans l'attente. Tels le sous-lieutenant Drogo qui veille sur le désert des tartares du haut de sa forteresse ou la sœur Anne de Perrault, les hommes du nord guettent l'évolution des fichiers météo. A l'affût du moindre signe, ils prennent leur mal en patience, espérant tout à coup le plus petit signe annonciateur d'un changement de main. Pour l'heure, ce petit groupe de six bateaux continue son chemin de croix : cirés complets, campés debout sur les portières, il est clair que pour ceux-là, plus le temps passe et moins le bonheur est dans le près… Christopher Pratt à bord de Financo ne veut pas perdre espoir : « On a passé une nuit humide au près, avec de la mer. La matinée est plus ensoleillée. On envisage une porte de sortie. On a hâte d'y être car c'est assez humide. Mais je préfère le ciré et que ça passe, plutôt que le short et ne pas gagner la course… »
A la recherche du temps perdu
Sur la voie royale du sud, les chevaliers du guet tentent de refaire leur retard. En acceptant de rallonger considérablement leur route, ils ont pris le risque de voir les Barbe-Bleue du nord leur croquer sous le nez cette victoire qu'ils attendent de leurs vœux. D'un côté, le plaisir de cravacher sous spi, sous le soleil, compense largement leur inquiétude de ne pas être à l'heure au rendez-vous. Jean-Paul Mouren sur SNEF–Cliptol Sport, en bonne estafette des méridionaux en témoignait à la vacation de midi : « On a touché un alizé modéré. C'est notre dernière phase d'investissement. Cela va bientôt sentir le roussi. Il faudra que l'on capitalise à un moment ou à un autre. Nous avons ouvert un peu le jeu. On a tout de même le droit de toucher des dividendes. On ne se sent pas en supériorité. On a tout de même pas mal de milles à récupérer… » Autre son de cloche à bord de Concarneau Saint-Barth où Miguel Danet décidait de la jouer décalé : « Si j'arrive à Saint Barth' tout blanc, je vais me faire taper sur les doigts. Ca s'appelle l'option « cochon grillé ». On fait des milles. C'est bien. Au niveau nourriture, c'est comme au restaurant. On a un petit traiteur tous les midis. » Comme quoi le simple fait de pouvoir glisser dans les alizés retrouvés redonne des couleurs au mental.
Au centre du plan d'eau, les allures portantes sont enfin au rendez-vous et l'ambiance s'en ressent. Qu'il s'agisse de Corentin Douguet à bord de Suzuki Automobiles, de Jeanne Grégoire à bord de Banque Populaire ou de Fabrice Amédéo sur Aquarelle Le Figaro, tous goûtent au plaisir immodéré de glisser à bonne allure vers la ligne d'arrivée. Seul Bertrand de Broc sur Les Mousquetaires affichait une prudence de vieux briscard devant la situation : « On essaye la route la plus courte. On va tenter d'aller droit vers l'arrivée, de réussir nos options. Ca devrait aller. » Il reste que Bertrand est vraisemblablement fâché avec les batteries de cuisine ; après avoir « perdu » sa cocotte-minute au départ de Concarneau, le navigateur cornouaillais devait maintenant déplorer la casse de sa cafetière… Petits problèmes vont souvent de pair avec vrais plaisirs. Mais du nord au sud, tous continuent de seriner la même litanie : « Je ne vois rien que le soleil qui poudroie et l'herbe qui verdoie… »
Ils ont dit :
Corentin Douguet (11ème au classement de 11h)
« On a bien accéléré depuis hier soir. Nous avons réussi à passer l'anticyclone. On se rapproche de l'arrivée plus vite que nos petits copains du nord. C'est plus agréable. Nous retrouvons des conditions plus conformes à ce genre de traversée. On est des oiseaux du large à la base. Nous sommes devenus des régatiers au fil du temps. La transat est amusante. Il se passe plein de choses. Il va falloir affiner. Maintenant c'est joué. On s'est positionné. Nous verrons à la fin qui a été le plus malin. S'il y avait une suite au Figaro, j'opterais pour un bateau avec plusieurs coques. Je ne me vois pas du tout faire un Vendée Globe. Ma famille me manque déjà beaucoup. Je pencherais plus pour une Route du Rhum en sept jours. Les multicoques sont des bateaux extraordinaires. Ca me fait rêver. Mais nous n'en sommes pas là. Nous avons déjà une Transat AG2R à finir. Humainement il n'y a pas de soucis. Nous sommes un des plus vieux couples sur la transat. On aura fait 20 000 milles ensemble. Nous avons beaucoup de plaisir à naviguer sur le même bateau. »
Jeanne Grégoire (13ème au classement de 11h)
« Il fait très beau et très chaud. Le bateau va vite depuis hier soir. Nous avons eu une nuit magnifique à 8 – 9 nœuds de moyenne. Nous avions choisi une route un peu radicale à Madère. Puis on est revenu sur notre choix. On a pris 60 milles dans la queue de Cercle Vert. C'est un gros regret de ne pas avoir eu confiance dans notre option. Depuis on navigue propre. On est sur le 14, ou plutôt sur le 13 pour notre arrivée à Saint Barth. Nico bouquine un peu de temps en temps. Moi, c'est plus nettoyage du bateau et dodo. Dormir dans un bateau est un grand plaisir. On dort tellement mieux qu'à terre. J'ai ressorti la caméra. On s'est bien amusé. Nous commençons à voir des poissons volants. »
Fabrice Amadéo & Jean-Pierre Nicol (15ème au classement de 17h)
« J'ai eu un petit coup de pompe au début de l'Atlantique. Là, c'est reparti. On est bien. C'est une transat conforme à nos objectifs, et qui va s'avérer plus longue que prévu. On utilise l'eau pour les lyophilisés. Du coup on a pratiquement fini nos bidons. Nous allons attaquer les packs d'eau mobiles. A travers cette transat, il y a la découverte du bateau, du niveau élevé de la classe figaro. C'est un terrain de jeu qui me passionne avec des concurrents de grande renommée. Ceux qui font la différence sont les plus complets avec Gildas Morvan, Nicolas Troussel, devant. Après il y a des coups de poker comme Concarneau – Saint Barth. C'est une belle leçon de course au large. Normalement, une page dans le Figaro va sortir cette semaine. On va mettre en avant notre vie à bord, montrer la transat de l'intérieur. J'aimerai développer ce genre d'approche car nous vivons des choses fabuleuses. C'est bien de faire partager et découvrir tout cela aux gens. »
dimanche 4 mai 2008
AG2R : DEUX SEMAINES DE MER
Publié par vie-project à 4:45 PM
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