jeudi 6 décembre 2007

Une Jacques Vabre d'anthologie

Victoire du duo Desjoyeaux-Le Borgne en 17 jours, 2 heures et 37 minutes sur Foncia. Safran, deuxième, a impressionné. En Orma, victoire sans coup férir de Groupama 2 (10 jours et 38 minutes). En Multi 50 Crêpes Whaou! a gouverné la flotte (15 jours et 22 heures). En Class40, victoire impressionnante de Telecom Italia en 22 jours et 13 heures devant Atao Audio System et Chocolats Monbana. Quatre bateaux ont abandonné sur 60.


Que retenir de cette huitième édition de la Transat Jacques Vabre ? Une foule d'enseignements. Commençons par la classe Imoca vers laquelle sont naturellement braqués tous les regards en vue du Vendée Globe l'an prochain. Comment ne pas retenir le despotisme de Michel Desjoyeaux (accompagné de Manu Le Borgne) sur Foncia ?

Première grande course et première grande victoire sur ce plan Farr, dernière génération. Mais prenons garde à ne voir là qu'une victoire supplémentaire du marin brillantissime et qui part à l'assaut des places de premier avec une régularité époustouflante et qu'il convient de saluer avec énergie. On dira que Desjoyeaux n'a pas d'égal, que son intelligence et son opiniâtreté forcent le respect. Rappelons le podium (Foncia-Safran-Cheminées Poujoulat).

Dans cette Transat Jacques Vabre extrêmement disputée (7 leaders en 17 jours) le fait marquant est à mettre au crédit des hommes de Safran (2ème pour mémoire). Marc Guillemot et Charles Caudrelier, privés de spi, coupent la ligne 54 minutes après Foncia. Marc Guillemot quelques jours plus tard revenait sur cette performance : « On a le sentiment de posséder un bateau bien né, au fort potentiel et qui fait des envieux », glissait doucement Marc dans un demi sourire. Puis de poursuivre : «Ce qui m'a surpris c'est que finalement les choix les plus architecturaux les plus radicaux ont été faits par les marins les plus âgés : moi, Mich' (Desjoyeaux), Mike (Golding) ou Kito (de Pavant). Mais faut voir ce que cela peut donner en solo », concluait Marc Guillemot avec métier.

C'est en effet le propos tenu par Loïck Peyron à son arrivée sur Gitana Eighty : «Ce sont des belles machines. Mais est-ce que le marin sera à la hauteur? ». Comment interpréter ce constat dans l'optique d'un tour du monde? Réponse de Jean Le Cam (VM Matériaux) qui en compagnie de Gildas Morvan, s’est classé quatrième : « La première question que chacun à en tête: qui peut battre Safran ? La deuxième qui en découle : comment faire avancer un bateau aussi vite et sans douleur? ». Jean avait entrevu le problème dès le départ:« De l'impuissance de la puissance ». On dirait un sujet du Bachot, mais tout est dit. Marc Guillemot le place d'ailleurs sur le podium du Vendée Globe, d'autorité : « Si Jean a encore les moyens de travailler sur les appendices, de les alléger, alors oui, ça va êtreun client très, très sérieux».

D'autres morales à tirer ? Certainement, du moins en ce qui concerne deux bateaux neufs (Generali et Brit Air) qui n'ont pas été à la hauteur des espoirs des marins engagés sur cette Jacques Vabre. De lourds chantiers attendent ces bateaux cet hiver. Comme le dit un marin « un régime Weight Watcher les attend. » Et de poursuivre en tirant sur sa clope : « Mais comment faire quand on sait qu'on s'est trompé? ».

Safran, indubitablement, reste le bateau « taille patron » sur lequel se tailleront les prochaines conceptions architecturales. Groupe Bel, son demi-frère, peut se prévaloir d'un intérêt du même ordre. Pour une nation méridionale comme la nôtre la fin annoncée de la classe Orma, du moins dans sa conception connue de nous (60 pieds), est un crève coeur. Un ressaisissement est prévu dans deux ans sous la forme de monotypes de 70 pieds.

Victoire sans grand suspense de Groupama 2 (Franck Cammas – Stève Ravussin) devant Gitana 11 (Lemonchois - Guichard) et Banque Populaire (Bidégorry - Yvan Ravussin). Ces deux derniers, sur casse, se sont arrêtés pour réparer, hypothéquant alors leurs chances de victoire. Temps canon de Groupama 2 (10 jours, 38 minutes) sur une route directe, qui fait tomber le précédent record d'un jour et 22 minutes. Cinq bateaux au départ. Cinq à l'arrivée. Avec une belle frayeur pour Banque Populaire qui a vu son étrave se désolidariser à quelquesheures du but. On aurait dit « un bout de nez tranché à la machette », comme l'a raconté plus tard Pascal Bidégorry.



En classe multi 50 pieds, pas grand chose de neuf sous les tropiques, à vrai dire. On savait dès le départ que la domination de Crêpes Whaou! sur la classe était depuis longtemps établie et que l'autorité de Franck-Yves Escoffier, cette année accompagné de Karine Fauconnier, mettait le trimaran malouin en position favorable pour réaliser le doublé. Ce qui fut fait en 15 jours et 22 heures. Le leadership de Crêpes Whaou! ne fut pas à proprement contesté même si Laiterie de Saint-Malo, à la faveur d'une option Ouest dans le Pot au Noir, parvint à réduire la fracture (moins de 50 milles d'écart) avant d'en payer la facture (1 jour et 16 heures derrière). Le duo mère et fille Caseneuve (Croisières Anne Caseneuve) réalise une course tout à fait épatante en se classant troisième (19 jours). Quant au binôme familial briochin (père et fille de Carlan) sur DZEnergy.com, il a fermé samedi la marche des 50 pieds multis.



Enfin, pour terminer, il faut saluer l'immense répertoire qui a été joué depuis Ouessant par Soldini et d'Ali à bord de Telecom Italia , un plan Verdier, tout comme Safran (mais avec VP-LP). Cinq mois pour faire un bateau et 22 jours et 13 heures pour parcourir 4340 milles. Du beau boulot. La deuxième place revient à Atao Audio System (Vittet - Chabagny) en 22 jours et 17 heures. Quant à Chocolats Monbana (Grimont - Le Roux) en 23 jours et 1 heure, il complète le podium. On notera un finish au couteau entre Sidaction, Pôle Elior Santé et Deep Blue. Les trois bateaux, bord à bord, franchissant la ligne, séparés par deux minutes et cinq secondes. Encore un chiffre : 27 secondes. C'est l'écart entre Jardin Bio (Parnaudeau - Caso) et Commerce équitable (Criquioche - Duc), respectivement 21ème et 22ème. Pour le plaisir on ne résiste pas à la lecture de l'une des plus amusantes phrases de cette Jacques Vabre. On l'a doit à m'zelle Cécile Poujou! l sur Merci les amis (17ème): « C'était une transat de sarkozistes : il fallait toujours être à droite. Les plus riches devenaient toujours plus riches et nous, on a travaillé plus pour gagner plus, mais ça n'a jamais marché! (rires). » Le lecteur en tirera donc la morale qu'il convient.

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