samedi 19 janvier 2008

JOYON JUSQ'AU BOUT.....DE L'EXPLOIT !



C'est à vive allure que Francis Joyon se rapproche de Brest, ligne d'arrivée de son exceptionnel record du tour du monde en solitaire. A moins de 700 milles de la délivrance, en ce 57ème jour de solitude, Joyon et son fidèle trimaran IDEC espèrent bien prolonger leur folle cavalcade une pleine journée encore, en restant au contact des vents forts et en soignant l'angle de route par rapport au vent. Les 150 derniers milles s'annoncent plus cléments, mais les capacités du plan Irens-Cabaret à se nourrir du moindre souffle laissent malgré tout entrevoir un passage de la ligne d'arrivée dans le courant de la nuit et une entrée triomphale dans le goulet de Brest dimanche vers 9h30.

Avec un passage de ligne qui se confirme d'heure en heure pour les premières heures de dimanche (3 heures?), c'est vers 9 heures que Francis Joyon fera son entrée dans la rade de Brest.

Il viendra amarrer son "géant" IDEC au ponton de la Recouvrance, quai Malbert Port de commerce de Brest à 10 heures 30.

Un podium grand public est installé quai Malbert pour recueillir vers 11 heures 30 les premiers mots et les premières réactions du nouveau recordman du tour du monde en solitaire.

300 milles et décompte....
Point de fléchissement cette nuit pour IDEC et Francis Joyon lancés à toute allure dans le Golfe de Gascogne vers la conclusion de son extraordinaire tour du monde. Avec des pointes à plus de 24 noeuds dans du vent toujours fort (25 noeuds), le grand trimaran rouge profite à plein du régime dépressionnaire accroché au nord des Açores. Tribord amure, soit le bord "chéri" par Francis pour soulager un multicoque fatigué dont le mât se refuse dorénavant à pivoter sur l'autre amure, IDEC parvient à gagner en latitude vers la pointe de Bretagne. Mais avec l'adonnante, vent tournant de plus en plus à l'Ouest, Francis va aujourd'hui devoir choisir entre route directe vent arrière, une allure moins rapide pour un multicoque, et réaliser un petit contrebord pour redonner à IDEC un meilleur angle de vent pour embouquer le goulet de Brest... Comme un athlète aux muscles endoloris, IDEC rechigne quelque peu à la manoeuvre. Francis perdra un peu de temps dans l'opération mais devrait malgré tout se présenter devant le "Petit Minou" vers 3 heures du matin demain dimanche, après 57 jours de mer....

Une météo idéale jusqu'au bout
La dépression accrochée hier en son versant Sud Est a bien la virulence attendue et c'est dans des vents de 30 à 35 nœuds que le grand trimaran IDEC progresse à plus de 20 noeuds de moyenne depuis 24 heures. Et comme dans l'Indien ou le Pacifique, Joyon paie de sa personne et de son sommeil pour garder équilibre et trajectoire dans les longues glissades à 27 et 28 noeuds, de nuit, sur une houle accusant les 5 à 6 mètres de creux.
Comment ménager si près du but une monture fatiguée qui ne demande face aux grands espaces proposés qu'à se lancer à corps perdu aux allures débridées? Francis Joyon y consacre depuis 48 heures et sa dernière escalade dans le mât, toutes ses pensées et toute son énergie. IDEC a retrouvé les conditions pour lesquelles il a été conçu, vent fort aux allures portatives et longue houle musclée. Sous deux ris et gennaker, point de pédale de freins pour le skipper solitaire qui doit, dans ses choix de trajectoires, concocter pour son vaisseau usé par près de 26 000 de sprint, les enchaînements les moins brutaux possibles entre les trains de houle. De jours comme de nuit, Joyon est depuis 56 jours passé maître en l'exercice. Au compteur, les marques quotidiennes se chiffrent à nouveau à 480 nautiques parcourus à plus de 20 noeuds de moyenne.
En alerte permanente,
Joyon ne dort vraiment que d'un oeil, attentif à toute variation de la force et de la direction du vent, vigilant à la bonne tenue des 9 tonnes du bateau sur les vagues puissantes de l'Atlantique, connecté surtout au pouls de son navire ; un pouls qui bat parfois la chamade quand certains postes cruciaux à sa bonne marche menacent de lâcher, à l'instar de cette drisse de grand voile usée et proche de la rupture. La proximité du plateau continental, le trafic des cargos et des navires de pêche et l'arrivée sur les côtes bretonnes vont accentuer le stress avoué de cette fin de course. Prudent dans ses propos comme dans sa gestion du voilier, Joyon se refuse encore à s'engager sur une heure d'arrivée. Son grand voyage touche à son terme pourtant. Et si l'homme Joyon aspire à retrouver êtres chers et terre ferme, le marin profite encore et toujours de la magique alchimie entre l'eau, l'air et son grand bateau. "C'est la fin d'un grand voyage, et la mer est un milieu attachant, c'est pourquoi il est dur de s'arrêter..."
Propos de Francis Joyon
La vacation du jour a donné ce matin la possibilité en direct sur le site www.trimaran-idec.com à une douzaine de journalistes d'interroger Francis. Le skipper d'IDEC, toujours lancé à plus de 20 noeuds s'est prêté de bonne grâce à l'exercice, répondant avec sa gentillesse habituelle à toutes les questions, délivrant ici et là des réparties déconcertantes. Francis Joyon : "J'ai beaucoup appris sur la météo durant ce tour du Monde ; la collaboration avec Jean-Yves Bernot a été intéressante. Elle m'a permis d'appréhender avec plus de finesse l'analyse des phénomènes météo."
"J'ai la satisfaction d'effectuer un beau parcours. Je fais cela parce j'aime le faire. Je ne le fais pas par ambition personnelle..."
"Les records sont faits pour être battus. Mon temps en 2003 paraissait intouchable. Et pourtant Ellen MacArthur, en réalisant une performance extraordinaire, l'a battu l'année suivante.."
"Il y a eu deux moments de grande inquiétude ; une fois dans le Sud, au milieu des glaces alors que la tempête se levait, et dans le pot au Noir, quand j'ai découvert que je risquais le démâtage..."
"La dislocation de la banquise et la dérive des icebergs à des latitudes inhabituelles m'ont beaucoup interpellé. Mon temps sur ce tour du monde signifie aussi que la planète n'est pas si grande que cela, et que nous aurions grand intérêt à nous en préoccuper davantage..."

Quelques heures avant l’arrivée d’Idec à Brest, le skipper de Sodeb’O( ndlr Thomas Coville) commente l’incroyable performance de Francis Joyon. Le record du tour du monde en solitaire et en multicoque pourrait tomber à plus ou moins 58 jours, un chrono stupéfiant auquel Thomas Coville s’attaquera à nouveau l’hiver prochain.
Quels seraient tes premiers mots pour Francis ?
« Je lui dirai bravo tout simplement. Nous n’avons pas besoin de nous dire grand chose pour qu’il sache à quel point je suis admiratif et respectueux de ce qu’il a fait. Nous sommes peu dans le monde à avoir la capacité de mesurer réellement ce qu’il vient d’accomplir. »
Quels sont, selon toi, les facteurs clefs de cette réussite ?
« Tout d’abord, la rencontre avec les architectes Nigel Irens et Benoît Cabaret puis la construction de son bateau où, grâce à l’expérience de son premier tour du monde en multicoque, il savait exactement ce qu’il voulait. Pour moi, 50 % du projet étaient mis en bouteille à ce stade. Ensuite, son départ avec une fenêtre météo exceptionnelle que nous n’avons pas revu depuis et dont tout le monde rêve. Et enfin, de part sa maturité mais aussi sa force physique et mentale, Francis a cette capacité fantastique de s’adapter à toutes les conditions et à donner le meilleur de lui dans la difficulté. Il n’a jamais lâché même lorsqu’il a eu des avaries. S’il y a toujours une pincée de réussite, Francis est allé la chercher jusqu’au bout. »
Joyon le « menhir », ce marin inclassable à la poignée de mains aussi intimidante que sa carrure, peut « tout faire à la force de poignet » selon Coville qui a notamment partagé avec lui une Transat Jacques Vabre « Francis a dix ans d’expérience de plus en multicoque transocéanique et a subi de nombreuses galères avant d’aboutir à ces deux merveilleux tours du monde. Il jouit aujourd’hui de cette expérience qu’il a fait fructifier et qui lui donne aujourd’hui la capacité de passer même quand c’est très dur. »

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