samedi 2 février 2008

TROPHÉE JULES VERNE • Groupama 3 : Une bonne journée d’avance à 2 300 milles du cap de Bonne Espérance




Au Sud de l’île de Trinidade, Groupama 3 s’est vu contraint d’enchaîner deux empannages pour éviter d’entrer trop profondément dans l’anticyclone de Sainte Hélène. A midi, alors que le trimaran géant pointait à 2 300 milles du cap de Bonne Espérance, le navigateur Yves Parlier estimait qu’ils allaient conserver leur avance d’une journée lors du passage à la longitude de la pointe africaine.

C’est pile au moment de la vacation radio quotidienne avec le trimaran géant, que celui-ci partait à la perpendiculaire de la route normale vers le cap de Bonne Espérance. Tout le monde à terre s’interrogeait sur cette « anomalie » après une trajectoire d’une pureté presque parfaite depuis l’équateur… La réponse était aussi simple et claire que la voix du navigateur de Groupama 3 qui indiquait que le vent commençait à trop mollir sur ce cap et que sous grand voile et gennaker dans treize nœuds de vent, la vitesse moyenne tombait à un niveau inacceptable ! Bref, la brise qui avait tourné au secteur Nord la nuit dernière perdait de la pression et obligeait l’équipage à s’enfoncer dans l’anticyclone de Sainte Hélène…« Nous venons d’empanner : tribord amure vers le Sud-Ouest, à 90° de la route directe. Cela nous éloigne du but mais nous permet de nous recaler dans le front chaud pour avoir plus de pression. Nous avons déjà 17 nœuds de vent, au lieu de 13 nœuds il y a une demi heure… En plus, c’est un très bon petit bord qui nous permet de gagner sur le routage. Nous serons dans le timing d’Orange II au passage de la longitude de Bonne Espérance, en conservant notre avance acquise à l’équateur » expliquait Yves Parlier.

Petit train… pour TGV

Ce petit contre-bord ne durait finalement qu’une heure et demie, le temps de retrouver de la pression et de rentrer dans le front chaud. En approchant des 40èmes, Groupama 3 va s’engager sur le « rail » du Grand Sud : « l’autoroute » va laisser place au « train »… de dépression qui circule sans discontinuer autour de l’Antarctique. L’objectif est donc d’attraper le bon « wagon » pour se faire porter le plus longtemps possible en avant du front de la perturbation. En effet, a contrario de l’hémisphère Nord qui est barré par des terres autour de l’Atlantique et du Pacifique, les latitudes australes ne sont pas perturbées par le relief (si ce n’est quelques îles confettis comme Crozet ou Kerguelen) tout autour du continent blanc. Seul un goulet d’étranglement de 300 milles sépare la Terre de Feu de la Terre de Graham, le passage redouté du cap Horn ! Une perturbation peut donc se créer sur l’Argentine, descendre sur les 40èmes, glisser sous l’Afrique et courir jusqu’au Sud de la Tasmanie, voir même revenir butter sur l’Amérique du Sud en se compressant dans le détroit de Drake… C’est pourquoi aussi, les perturbations du Grand Sud sont en général plus rapides que celles de l’Atlantique Nord et leur déplacement peut atteindre 25 à 30 nœuds Ce qui est justement la moyenne qu’aimerait conserver Groupama 3 !
« Nous cherchons à passer au plus près sous l’anticyclone de Sainte Hélène, donc dès que nous voyons que le vent baisse, nous empannons pour éviter de rentrer dans ces hautes pressions. L’autre bord nous fait retrouver du vent mais pas sur la route… Nous cherchons aussi à nous faire rattraper par une dépression qui va nous porter jusqu’aux 40èmes puis nous dépasser. Une autre perturbation nous poussera dans le courant du Grand Sud demain matin » complétait le navigateur de Groupama 3. Et c’est justement cette deuxième dépression qui va accompagner le TGV (trimaran à grande vitesse) bien au-delà du cap de Bonne Espérance, probablement jusqu’aux Kerguelen, voire plus !


Yves Parlier, navigateur : « Mon travail à la table à cartes consiste à récupérer toutes les informations météo que nous fournit Sylvain Mondon de Météo France : images satellites, grains, centres d’action, cartes isobariques, fichiers de vent jusqu’à dix jours afin de simuler la route du bateau. Deux fois par jour, je propose mes choix à Sylvain Mondon et à Franck Cammas : nous en concluons une route optimale. Je remplis ensuite une feuille pour expliquer à l’équipage la stratégie suivie pour la journée et je reste en contact permanent par interphone avec le barreur. C’est passionnant parce qu’on apprend plein de choses et naviguer en équipage permet d’être à 100% contrairement au solitaire… Toute l’équipe est très réactive et très compétente, ce qui m’oblige à trouver des réponses et à bien travailler sur tous les aspects de cette météo et du routage : tout le monde s’y intéresse !
…Nous sommes torse nu, mais demain, ce ne sera pas pareil : on fait notre dernière toilette... Après, c’est le pays des icebergs ! Cela fait depuis 2000 que je ne suis pas allé là-bas… L’Atlantique s’est passé très vite : souhaitons que les grands surfs soient au rendez-vous dans l’Indien et le Pacifique ! Depuis deux jours, nous commençons à rentrer les fichiers de vague. Je passe environ quinze heures à la table à cartes et trois-quatre heures sur le pont… Nous n’avions que deux manœuvres par jour environ depuis l’équateur. C’est tranquille en ce moment et plutôt confortable. C’est en plus très convivial à bord avec des personnalités différentes mais complémentaires, en sus du charisme et de l’intelligence de Franck Cammas, de sa rapidité d’analyse. Tout le monde se donne à fond avec plaisir ! »


Les chiffres du jour

Départ le 24 janvier à 7h50’17’’ TU
Arrivée avant le samedi 15 mars 2008 à 00h09’21’’ TU
Jour 9 à 7h 45’ TU
Distance parcourue sur l’eau en 24 heures : 587,9 milles
Distance parcourue depuis le départ : 4 802 milles
Distance par rapport à l’arrivée : 19 723 milles
Moyenne du jour 9 : 24,5 noeuds
Moyenne depuis le départ : 22,23 nœuds
Avance par rapport à Orange II : 704,9 milles

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