lundi 3 décembre 2007

10 jours de course et 820 milles d'avance



Voilà ainsi 10 jours que Francis Joyon s'est élancé de Brest à la reconquête du record du tour du monde à la voile en solitaire. 10 jours de course échevelée qui voit le grand trimaran IDEC déjà par le travers de Rio de Janeiro, cavaler cap vers la pointe australe du continent Africain. Un premier record, ô bien symbolique, celui du passage de l'Equateur, est déjà tombé dans l'escarcelle du marin de Locmariaquer. Mais Joyon n'en est pas encore à l'heure des bilans pas plus qu'il ne se prête au jeu de telle ou telle supputation quant à son atterrissage sur le cap et l'entrée dans l'océan Indien. Carpe Diem. Francis vit dans l'instant et c'est le grand trimaran rouge qui règle son existence. « Ellen a eu en 2005 jusqu'à 5 jours d'avance sur mon record, et la remontée de l'Atlantique Sud a vu fondre tout ce bel avantage… » Lucidité et pragmatisme demeurent après 3 700 milles de sprint débridé, les apanages d'un marin décidément hors norme.

« Ces 10 premiers jours, je ne les ai pas vu passer « s'étonne Francis Joyon, étonnamment frais et dispos. « Il a fallu tout de suite entrer dans un rythme de vitesse, dans des vents portants très soutenus qui ont engendré pas mal de stress. J'ai découvert le bateau sous un jour formidablement favorable. Sa longue étrave à fait merveille, évitant tout « planté » intempestif et permettant au bateau de ressortir en douceur des vagues sans s'arrêter. IDEC est capable d'accélérations impressionnantes mais tout à fait maîtrisables. Je me suis, dans cette première partie, attelé à faire marcher le bateau très vite. Il était important pour moi de prendre avant l'équateur une avance substantielle. »
Le pot au noir a ensuite joué à plein son rôle de transition, sans pour autant pénaliser la marche de Francis vers le record. « Ce fut une période intéressante, quoique fatigante avec les nombreuses manoeuvres » lourdes » nécessitées par les constantes variations du vent en force et en direction…Mail ce passage m'a aussi permis de constater la bonne tenue du bateau dans les petits airs puisque même avec moins de 10 nœuds de vent, je progressais à 15 noeuds au portant… »

Au près dans l'alizé de Sud Est… « Passé l'équateur, je suis entré voici trois jours dans un régime d'alizé que je dois négocier au près. Le bateau tape et ce n'est pas très agréable. La vitesse a, bien entendu, chuté mais dans des proportions qui me permettent de progresser à un rythme record puisque je dispose d'environ 3 jours d'avance sur le tableau de marche d'IDEC en 2003. »
Une porte ouverte sur le Grand Sud
Francis Joyon et son conseiller météo Jean-Yves Bernot travaillent depuis plusieurs jours à la définition d'une trajectoire autour de l'anticyclone de Sainte Hélène, vers les grands régimes perturbés d'Ouest qui circulent autour de l'Antarctique. « Nous avons identifié voilà 4 jours un « thalweg », petit creux barométrique sur notre route » précise Francis, « un petit centre dépressionnaire qui a l'air de nous attendre avec ses vents de secteur Nord. Si nous parvenons à l'attraper, le chemin vers Le Cap nous est ouvert… » IDEC s'accommode pour l'instant fort bien d'un reste d'alizé orienté plein Est. « J'ai 10 nœuds de vent réel par le travers et je suis en permanence entre 16 et 17 nœuds » confirme Francis.

Le rythme de vie à bord du géant signé Irens/Cabaret s'apparente à de la routine. Francis, comme à l'accoutumé, s'en remet aux simples réflexes de l'existence pour maintenir son étonnante fraîcheur physique ; « Je mange au rythme normal de trois repas par jour, avec un gros petit déjeuner, un déjeuner et un dîner, pris aux heures « normales « de la journée. Je veille juste à absorber un nombre important de calories. J'essaie aussi de privilégier le sommeil lorsqu'il fait nuit, car c'est là que l'organisme récupère le mieux, tout en me ménageant de petites siestes. Ma vie au quotidien n'a rien de très originale (rires). Je passe beaucoup de temps dans ce petit sas entre cabine et cockpit. C'est là que je dors où que je somnole, toutes mes écoutes à portée de main. J'ai beaucoup barré les premiers jours lorsque j'étais sous spi. Vent de travers, le pilote automatique fait un bon boulot et le sas est l'endroit idéal pour se protéger, se reposer tout en restant en capacité de réagir vite à toute modification dans le comportement du bateau…Je ne descends à l'intérieur que pour récupérer les infos météo. »

A 2 600 milles de la longitude du Cap, IDEC et Francis Joyon, loin des chiffres et des statistiques préservent avec obstination l'attitude agressive adoptée depuis le départ de Brest. « Je suis à 100/% en permanence. Dans une telle expédition, on ne peut jamais se relever et couper son effort » Et de s'étonner : « je suis dans une chaleur caniculaire, mais il me faut déjà penser au froid polaire qui m'attend dans quelques jours, et préparer le bateau dans cette optique.. »

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