vendredi 9 mai 2008

ARTEMIS TRANSAT : J - 2



Soldini et le mauvais oeil

Après une victoire dans la transat Jacques Vabre 2007 et une autre récente victoire lors du grand Prix Petit Navire à Dournenez, France, le skipper italien Giovanni Soldini, âgé de 47 ans et son Telecom Italia sont les favoris dans cette 13ème édition de the Artemis Transat. Une transat en solitaire appelle toujours à la prudence...

Feu vert pour tous les concurrents en Class40

Les 11 monocoques Class40 inscrits à the Artémis Transat ont tous reçu le feu vert de la direction de course pour prendre le départ.

Jean-Luc Nélias, consultant stratégiste

Figaro, Formule 40, maxi-multicoques, Mini Transat, trimaran Orma, catamarans de raid, monocoque Imoca, prototypes IRC, monotypes… Jean-Luc Nélias possède un panel d’activités très diversifié.

COMPTE À REBOURS À PLYMOUTH
Le compte à rebours est commencé à Plymouth d'où la Transat anglaise s'élancera dimanche prochain. Les 13 monocoques IMOCA 60 pieds et les 11 Class 40 engagés sont désormais tous amarrés à Sutton Harbour.

Le public a été très nombreux le week-end passé pour admirer ces voiliers. Cette 13 e édition, organisée par Offshore Challenge, est exclusivement réservée aux monocoques. Pour les marins de la classe IMOCA, elle sera un dernier test avant le prochain Vendée Globe attendu comme l'Everest. Michel Desjoyeaux (« Foncia ») Vincent Riou (« PRB »), tous deux vainqueurs du Vendée Globe, mais aussi Loïck Peyron (« Gitana Eighty ») n'ont pas dédaigné cette confrontation à quelques mois du Vendée.
Décrocher son ticket pour le Vendée
Certains engagés comme Armel Le Cléac'h viennent y chercher leur ticket d'entrée pour ce tour du monde. Il y aura donc une certaine pression sur les épaules du jeune skipper de « Brit Air » : « C’est une course difficile avec des conditions exigeantes, une météo assez rude, une route que l’on connaît mal. C’est un peu les montagnes russes. Je vais en profiter pour valider les évolutions techniques et progresser dans tous les domaines. Au niveau de la navigation, ce sera pour moi la première course sur un 60 pieds où le routage n’est pas autorisé ». C'est Mike Golding, vainqueur de l'édition 2004 en monocoques 60 pieds (1), qui donnera le départ. Le navigateur britannique a dû s'abstenir en raison de problèmes de quille sur son « Ecover ». Ces jours derniers Johnny Malbon, skipper du 60 pieds « Artemis Ocean racing 2 », insufissamment prêt, a également déclaré forfait. (1) Michel Desjoyeaux s'était imposé sur « Géant » en trimaran 60 pieds.

Plus difficile que la Route du Rhum dit Michel Desjoyeaux

Après trois jours de stage au Centre de Course au Large de Port-la-Forêt, puis quelques « runs » (vitesse pure sur trois milles) et parcours côtiers à l’occasion du Grand Prix Petit Navire de Douarnenez, FONCIA a rallié le port anglais de Plymouth et les onze autres monocoques Imoca qui se préparent à The Artemis Transat (ex-Ostar). Cette course imaginée en 1960 par un Britannique un peu illuminé (le colonel Blondie Hasler) est la première épreuve océanique en solitaire, « LA » référence en terme de course au large, la plus dure et la plus exigeante des compétitions sur l’Atlantique. Michel Desjoyeaux, tenant du titre puisque vainqueur en 2004 en multicoque, explique d’ailleurs : « The Artemis Transat est une épreuve plus difficile que la Route du Rhum : je n’ai pas fait le Rhum en monocoque mais je vois bien ce que cela représente, puisque je l’ai faite deux fois en trimaran, et la transat anglaise, j’y ai participé en monocoque et en multicoque… C’est une course importante en terme de résultat sportif, de dureté et de difficulté. Il y a tous les ingrédients d’un tour du monde en concentré : on passe directement du golfe de Gascogne (Manche) à l’océan Indien (Terre-Neuve) ! L’eau aux abords du courant du Labrador n’est qu’entre 2° et 5°C… Ce sont les mêmes conditions que les mers du Sud ! Et la transition est plus brutale que sur une descente de l’Atlantique. »

UN NOUVEAU POINT DE PASSAGE POUR ÉVITER LES GLACES

Situation particulière ou effet du réchauffement climatique, l'explication de la présence de nombreux icebergs au large du Labrador est multiple. Et les organisateurs de The Artemis Transat en accord avec les concurrents, ne pouvaient prendre le risque d'une collision avec un growler : une porte a donc été définie par 40° Nord sous les bancs de Terre-Neuve afin d'incurver la route des solitaires plus au Sud.

210 milles en sus : voilà la conséquence de la décision prise collectivement par Sylvie Viant, Directrice de Course, et les vingt-quatre solitaires ! Mais si le parcours atteint désormais près de 3 000 milles (2 955 milles exactement), le risque d'un incident, voir d'une avarie grave suite à la percussion d'un growler, est très sensiblement réduit. Il faut souligner que les observations effectuées quotidiennement par les Coast Guards et les images satellite indiquent que des icebergs ont été identifiés jusqu'à 41°30, soit pratiquement sous les bancs de Terre-Neuve, en limite du Gulf Stream et très près des routes maritimes entre l'Europe et la côte Est des Etats-Unis ! Une situation inhabituelle à cette période de l'année car la débâcle des glaces du Saint-Laurent et de la banquise n'a débuté que depuis quelques semaines.
L'indication aussi que les icebergs sont plus nombreux que les années précédentes et qui dit icebergs, dit growlers, masses de quelques tonnes seulement qui flottent en groupe dispersé et n'émergent que de quelques mètres au-dessus de la mer. Car si un iceberg est visible au radar, ces morceaux de glace sont difficilement aperçus par un navigateur solitaire et ignorés par les radars, et seule une différence de température de l'eau de mer peut laisser entendre que cette présence fantomatique rôde !
La porte définie par les Instructions de Course est ainsi une ligne située à la latitude de 40° Nord entre un point par 47° Ouest et un point par 50° Ouest : les concurrents doivent laisser au moins un point de cette ligne sur leur tribord, avant de remonter vers le Nord si leur route stratégique les y incite. L'objet de cette décision est d'incurver la route des solitaires au Sud des bancs de Terre-Neuve, sans pour autant bloquer les initiatives tactiques sur la fin du parcours. La ligne d'arrivée devant Boston étant situé par 42°20 et 70°57, les concurrents auront encore plus de 900 milles à parcourir sur un terrain de jeu ouvert.

Détecteur de glace
Rappelons l'aventure de Sébastien Josse (présent à Plymouth pour The Artemis Transat sur BT) lors du dernier Vendée Globe 2004 : dans le Sud-Est de la Nouvelle-Zélande, son monocoque avait percuté de plein fouet un growler de plusieurs tonnes, arrêtant net son voilier et brisant son bout dehors qui heureusement, avait fait office d'amortisseur. La coque n'avait pas été endommagée mais le solitaire n'avait pu retrouver tout le potentiel de son bateau au portant jusqu'à l'arrivée aux Sables d'Olonne. C'est dans cette optique que la société Sagem développe un détecteur d'objet flottant non identifié (OFNI). Safran va à l'occasion de The Artemis Transat, tester ce prototype qui doit permettre surtout d'alarmer le solitaire lors du Vendée Globe dans les mers du Sud. Marc Guillemot précise que ce système est encore en phase de mise au point sur son 60 pieds : « Le principe s'appuie sur une caméra miniature thermique en tête de mât qui détecte tous les objets qui présentent une différence de température significative par rapport à l'environnement. La Sagem développe cette technologie pour l'industrie et le bateau sert de banc test essentiellement pour identifier les growlers, les morceaux de glace dérivante issus de la fonte des icebergs. Pour l'instant, le système enregistre les images thermiques et le logiciel va stabiliser l'image pour la définir sur un champ de vision d'un mille devant l'étrave. ». Ce matériel sera installé dans sa version définitive sur Safran pour le prochain Vendée Globe, le système permettant alors de circonscrire l'objet, de l'identifier comme un danger possible, puis d'alarmer le skipper. Ce projet pourrait intéresser autant les coureurs autour du monde, en solitaire ou pour un Trophée Jules Verne, que les cargos et les bateaux de pêche qui naviguent dans des zones froides à risque.

Un plateau réduit mais de haut vol

Avec douze monocoques Imoca et onze Class’40, la flotte de The Artemis Transat s’est concentrée pour proposer un plateau homogène et affûté. Malheureusement, plusieurs tandems skipper-bateau n’ont finalement pas pu être prêts à temps à l’image de Jean Le Cam, Roland Jourdain, Mike Golding (vainqueur en monocoque en 2004), Brian Thompson, Jonny Malbon… mais les voiliers présents dans le port de Sutton Harbour sont justement particulièrement bien préparés après les courses de l’hiver dernier et un grand chantier d’optimisation. Car côté concurrence, les jeux sont loin d’être faits avec des skippers aussi différents de Michel Desjoyeaux que Loïck Peyron, Samantha Davies, Sébastien Josse, Vincent Riou sur des bateaux dessinés par le même cabinet architectural (Bruce Farr), avec des voiliers très typés comme ceux de Marc Guillemot, Dee Caffari, Yann Eliès, Armel Le Cléac’h mais aussi des monocoques au palmarès long comme un jour sans vent à l’image de ceux d’Arnaud Boissières, Yannick Bestaven, Unaï Basarko.

Froid devant !

Côté parcours, long de 2 745 milles entre Plymouth et Boston, l’incertitude règne encore sur l’approche des bancs de Terre-Neuve. Les solitaires ont en effet des portes à franchir (points de passages obligatoires), et dans cette zone, ce sont les glaces dérivantes qui présentent un énorme danger ! Déjà il y a quatre ans, les skippers s’étaient donnés un « way-point » pour éviter icebergs et growlers, et pour cette treizième édition, ces OFNI ont déjà été repérés jusqu’au Sud des bancs de Terre-Neuve (41° 30 Nord) ! Mais en attendant de les atteindre, les douze skippers de monocoques Imoca vont devoir négocier du petit temps, un flux de Nord et des vents instables, avant de tenter de passer au Nord d’une dépression peu active… Pas de coup de vent en vue mais du travail sur le pont et à la table à carte ! « A quatre jours du départ, la météo semble annoncer du « mou » : des vents faibles pour sortir de la Manche, du travers après l’Irlande et du portant en passant au Nord d’une dépression qui se situerait au milieu de l’Atlantique mercredi prochain… Ce sera donc plutôt calme pour ce début de course : ce n’est pas pour me déplaire car cela permet une « mise en route » en douceur. »

Un couvre-feu pendant une journée et demie

Originalité de cette treizième édition de la transat anglaise, un « black-out » de 36 heures a été annoncé par les organisateurs de The Artemis Transat, une période de non transmission des positions des solitaires. Histoire de laisser plus ouvertes les portes de l’initiative tactique pour ouvrir le jeu à un moment où les conditions météorologiques ne seront pas des plus simples à anticiper : « Il y aura une période de « black-out » de 36 heures que la Direction de Course annoncera un peu avant. C’est une nouveauté intéressante surtout si le moment choisi est stratégiquement capital. Personne en mer ne saura donc les positions de ses concurrents, sauf si nous-mêmes nous les diffusons, vraies ou fausses… Un peu comme dans les années 80 ! L’idée est amusante…»

Bref, à quatre jours du coup de canon libérateur, Michel Desjoyeaux et son FONCIA sont prêts et concentrés sur ce parcours difficile à négocier, dur à affronter, technique à anticiper. Comme pour ses onze autres concurrents, l’heure est à la recherche des fichiers météo pour faire tourner les routages et estimer dès à présent combien de temps, quelle trajectoire et quelles particularités vont caractériser cette transat anglaise mythique !

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