mardi 13 mai 2008

Artemis Transat



DÉJÀ DES TENDANCES STRATÉGIQUES

274 milles en 24 heures (soit presque 1/10ème du parcours), près de onze nœuds et demi de moyenne depuis le départ de Plymouth malgré le petit temps des côtes anglaises, quatorze nœuds lors des derniers pointages : le rythme de The Artemis Transat prend des tours ! Car le vent modéré de secteur Nord pour sortir de la Manche et traverser la mer d'Irlande a laissé place à une brise plus soutenue de Nord-Est d'une quinzaine de nœuds lundi matin, puis à un zéphyr qui se muscle depuis le début de l'après-midi, en tournant à l'Est d'une vingtaine de nœuds. Et si la première nuit a été l'occasion de manœuvrer et surtout de veiller car le trafic des cargos et des bateaux de pêche est toujours intense à la sortie de la Manche, la première journée a commencé par de longues glissades sur une mer plate qui se gondole au fil des heures !

Et sous spinnaker au-delà de dix-huit nœuds de vent réel, mieux vaut rester vigilant, soit à la barre, soit avec la commande de pilote, pour réagir immédiatement à un renforcement du vent ou à une petite rotation de la brise. Au risque de partir « au tas », « en vrac », « au lof », « au tapis », bref en quenouille avec 600 m² de voilure à gérer ! La deuxième nuit de mer s'annonce donc aussi peu réparatrice pour les corps et l'objectif des solitaires sera avant tout de garder les yeux ouverts et les bras réactifs. Il faudra d'abord gérer l'empannage qui devrait être imminent en ce lundi soir et faire passer la quille et le matériel à l'intérieur, déplacer les voiles en stock, puis changer la bôme de côté ainsi que le spinnaker avec ses dizaines de mètres d'écoute à reprendre : une check-list de près de vingt actions successives et différentes. pour ne pas se retrouver « sur la tranche » en sortie de manœuvre.

La voile, mode d'emploi
Et si dans cette première partie de course, les écarts restent encore peu marqués, il n'en est pas de même en terme de latitude : plus de trente milles de décalage entre les partisans du Nord (Peyron, Le Cléac'h) et les « Sudistes » (Josse, Desjoyeaux), sans même parler du poursuivant britannique Steve White qui est monté jusqu'à 50°N, soit avec plus de 60 milles de différentiel Nord-Sud ! Et c'est au « rez-de-chaussée » que la route semble la plus rapide désormais avec un peu plus de pression de vent et une brise un peu plus Nord-Est qu'Est par rapport aux solitaires qui sont quelques « marches » plus haut (Riou, Guillemot), et encore plus vis-à-vis de ceux qui grimpent « à l'étage » (Peyron, Le Cléac'h). Et lorsqu'il va falloir changer de cap pour aller raser le centre d'une dépression qui se présente devant les étraves, les plus « bas » devraient avoir fait un peu moins de chemin. Pour l'instant, toute la flotte progresse légèrement en dessous de l'orthodromie (route directe) et la trajectoire devrait être assez rectiligne, ces prochaines 36 heures après l'empannage. Ce qui signifie que ceux qui sont sous le vent de leurs concurrents (BT, Foncia), se retrouveront au vent de leurs concurrents (Gitana Eighty, Brit Air, PRB, Generali), après cette manœuvre. A noter que Marc Guillemot (Safran) s'est fait dérocher légèrement la nuit dernière, probablement en raison de problème technique car il était au contact de Michel Desjoyeaux à la tombée du jour : il concède vingt milles mais progresse à la même vitesse que les leaders.

Il faut donc s'attendre à ce que les écarts minimes de cette première journée de course soient un peu plus marqués demain mardi mais à l'observation des potentiels des bateaux, il est bien difficile de noter un différentiel de vitesse sensible entre les sept bateaux de tête, comme par hasard les nouveaux prototypes de l'année ! A contrario les poursuivants, déjà retardés par les petits airs des côtes anglaises qui ont avantagé les leaders, laissent inexorablement partir les « sept samouraïs » qui profitent d'une puissance supérieure à cette allure portante. Ils n'ont pourtant pas à craindre trop de décalage car l'avenir devrait plutôt ralentir en premier les leaders au passage de fronts et de zones de molles que toute la flotte aura du mal à éviter. Le vent va donc jouer au « yo-yo » ces prochains jours et les retournements de situation vont relancer sans cesse la course. La priorité des solitaires devra donc être d'éviter la fatigue pour ne pas casser du matériel et se retrouver handicapé, même si ce n'est que pour quelques heures. « Tenir le cap et ne rien lâcher » : cela ressemble à s'y méprendre à une Solitaire du Figaro, mais la différence majeure, c'est qu'un départ en vrac coûte beaucoup plus cher sur un monocoque de 60 pieds !

Ne pas se fier aux apparences de clémence. Axiome n° 1 : elle promet juste aux marins de nourrir une réflexion intense. « La météo est tordue, annonçait Loïck Peyron au moment de larguer les amarres. Rien n'est clair, ce qui me rassure c'est que tout le monde dispose des mêmes infos et entretient les mêmes doutes. Si un vrai choix pas très propre se profile dans trois jours sur l'Atlantique, une vraie petite régate nous attend d'ici là. » Le skipper de Gitana Eighty a pesé ses mots pour exprimer le sentiment général, avant de fixer le tempo et de franchir en poisson pilote la longitude du cap Lizard.

Armel Le Cleac'h n'a pas tardé à se faire les dents. Posé sur sa table à cartes par son équipe à terre, un muffin au chocolat, piqué de deux bougies, l'attendait. L'envol a salué ses 31 ans, « et si tout va bien je fêterai ça à Boston », mise-t-il, rapidement enclin à faire parler son instinct de Figariste, dans des conditions idéales pour jouer les renards. Pour éviter l'enfermement dans la noria d'environ 300 coques accompagnatrices ayant assuré une traîne de mariée à la flottille de coursiers, il a opportunément viré, loin derrière les autres, et émargeait au phare d'Eddystone dans le trio de tête, derrière Loïck Peyron et Marc Guillemot.

L'anecdotique 1er pointage officiel peut mettre du baume au coeur. « Il ne faut surtout pas prendre de retard, notait Yann Eliès, l'enjeu étant de passer le cap Lizard avant la renverse qui pourrait créer le premier passage à niveau. » C'est bien passé pour les ouvreurs. La situation risquait de se compliquer pour les poursuivants, déjà menacés par l'échappée. « On traverse typiquement le genre de situation où on ne peut pas se fier aux fichiers à trois jours, prévenait Vincent Riou, accroché au bon wagon. Il faut rester vigilant et souple, car tous les scénarios peuvent changer très vite. On a beaucoup de temps à passer à la barre devant nous. » La première nuit garantissait en effet d'être éprouvante, de ne pas offrir beaucoup de possibilités de repos.

Classe 40 : Soldini en tête - Louis Duc 4e après 36 heures de course


Beau début de course pour Louis Duc ! Après une douzaine d’heures de régate au contact, entre pêcheurs et cargos, dans le brouillard et des brises erratiques, le Class40 Groupe Royer glisse depuis hier vers l’Ouest, à plus de 12 nœuds sous spi, en 4e position.
Comme annoncé par Louis, le début The Artémis Transat a été sportif et tendu. Un stimulant cocktail de petit temps, brouillard, trafic maritime, et bien sûr de régate au contact dans une brise irrégulière a tenu les skippers en éveil toute leur première nuit de course. « La première nuit a été assez active pour moi. J’étais au contact avec Fujifilm (Alex Bennet), après le passage du Cap Lizard. J’ai effectué plusieurs changements de voiles genaker-spi. Entre les pêcheurs et les cargos les siestes n’ont pas été faciles ! », écrivait Louis la nuit dernière.

Lundi, la première journée de course, a été plus facile à gérer : le brouillard s’est levé, les rails de cargos et les zones de pêche s’éloignaient tandis que la brise s’est renforcée au secteur Est… Des conditions proches de l’idéal, que Louis a mis à profit pour se positionner au sein de la flotte des Class40 et se reposer un peu : « ce fut une super première journée, sous spi, le bateau glissait tout seul... Cela m’a permis de dormir. »

La seconde nuit de course fut tout aussi constructive comme le précisait hier soir le jeune skipper normand : « la nuit ne s’annonce pas trop mal, je navigue pour le moment sous grand-voile haute et grand spi, nous faisons des petits surfs à 16 nœuds avec des petites surventes à 28 nœuds... »

De fait, ce matin, à l’heure des premières options stratégiques, le Class40 Groupe Royer pointe en 4e position à 17,7 milles (33 km) du premier. Louis va vite, avec ses 12,2 nœuds, il affiche ce matin l’une des meilleures vitesses instantanées de la flotte !

Les écarts sont encore bien minces mais trois grandes tendances tactiques se dessinent déjà. Un groupe de 4 bateaux (Telacom Italia, AppartCity, Groupe Partouche et Fujifilm) tracent une route Nord pour vraisemblablement exploiter un flux d’Est à Nord Est plus soutenu, deux concurrents (Beluga Racer et 40 Degrees) plongent plus au Sud, tandis que la majorité de la flotte, dont le Class40 Groupe Royer, reste proche de l’orthodromie (route directe).
Ces placements de part et d’autre de la route directe restent cependant raisonables. Ils sont bien sûr fonction des évolutions météo à venir. Evolutions qui semblent laisser nombre de concurrents dans l’expectative : les fichiers de vent tablent en effet pour l’instant sur un Atlantique Nord bien calme, voire trop calme…

CLASS 40 - classement provisoire estimé à : 13/05/08 06:00 GMT

1 Telecom Italia 2608,2
2 Appart City 2615,6 7,4
3 Mistral Loisirs - Pole Santé HELIOR 2621,2 13
4 Groupe Royer 2625,9 17,7
5 Custo Pol 2629,8 21,7
6 Fujifilm 2640,1 31,9
7 Clarke Offshore Racing 2640,8 32,6
8 Groupe Partouche 2646,2 38
9 40 Degrees 2647 38,9
10 Beluga Racer 2648,9 40,7
11 Prévoir Vie 2681 72,8

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