samedi 3 mai 2008

Transat AG2R: ANALYSE MÉTÉO



Jean-Yves Bernot, routeur, météorologue et navigateur, décrypte au douzième jour de la course les trois grandes options prises par les concurrents de la Transat en double AG2R, qui relie Concarneau (Finistère) à Saint-Barthélemy (Antilles).

Quelques doublettes se plaignaient vendredi d’avoir été trompées sur la marchandise : rien que du vent de face et pas d’alizés ! Qu’est-ce qui se passe sur l’Atlantique ?

Descendre l’Atlantique, c’est traverser l’anticyclone des Açores qui traîne en son milieu. C’est une zone sans vent. C’est surtout cet anticyclone qui «fait» qu’il y a de l’alizé ou pas. Or, la situation est assez éloignée de la situation climatologique moyenne : à la place de l’anticyclone, il y a deux dépressions au milieu de l’Atlantique. Ce qui fait que les tenants de la route «Sud», habituellement la route des alizés, n’en trouvent pas, et on voit clairement que ces «sudistes» continuent à descendre comme des malades plein pot mais sans en trouver pour le moment. Ces alizés, ils ne les trouveront vraisemblablement que vers 20° de latitude nord. L’option «Sud» est terriblement coûteuse pour le moment. D’ordinaire, on trouve du vent de nord-est vers 23-24° de latitude nord, là, non. Le détour est important pour eux, dans la mesure où ils ont perdu près de 400 milles et qu’il reste 2 000 milles jusqu’au but.

Donc, pour vous, l’option «Sud» serait une option condamnée ?

Je reste prudent, mais le coût est très élevé par rapport au gain espéré. Tout ça à cause d’un anticyclone qui n’est pas en bonne santé et brouille les cartes. Il y a un moment où les «sudistes» vont se refaire, mais j’ai peur que la mise de départ soit hors de proportion avec ce qu’ils vont récolter. La stratégie en bateau c’est de miser des milles et de récupérer du temps. Là, ils ont mis un paquet de milles sur la table. Vont-ils récupérer assez de temps ? J’en doute quand même.

Votre regard sur l’option «Nord» ?

Un paquet «Nord» est en tête depuis le départ de Concarneau (Financo, Athema, Défi Mousquetaires, etc.) et mange son pain blanc. Il est sur une route assez courte. Il n’a pas encore terminé son investissement. Il a devant lui la dépression. Ces gens sont assez contents pour le moment. Mais la question qu’il faut se poser c’est : est-ce que je relance encore dans l’Ouest (Financo) ou est-ce que je suis assez content de mon gain (Gédimat) et je redescends vers le Sud, vers les tenants de l’option «Centre-Sud» (Suzuki, Cercle vert, Banque populaire) pour passer ainsi une première fois à la caisse.

Mais comment descendre quand on est très Nord ?

En Atlantique, jusqu’à 40° de longitude ouest, tu peux faire l’andouille. Mais, un moment, il faut quand même penser à se diriger vers le but : les Antilles ! Ensuite ça devient dur de redescendre. Bon, il y a un peu de marge mais il ne faudra pas oublier de mettre la flèche. En fait on n’a jamais l’opportunité de descendre proprement vers les Antilles quand on est très Nord, sauf à tirer des bords sans fin et ce jusqu’à l’arrivée. Quand les vents vont basculer vers l’Ouest, ils vont redescendre comme des mabouls et se recaler devant le groupe «Sud» qui, lui, plongera, mais dans de la pétole.

Le grand danger pour le groupe «Nord», c’est ce fameux groupe «central» que l’on a appelé «le groupe des nordistes qui ont mis de l’eau dans leur vin». On retrouve là les Mousquetaires, Suzuki, Cercle vert, Banque populaire, notamment. Je pense que ces centristes vont moins souffrir que le groupe «Sud» qui s’est rallongé le chemin. Ils sont aussi moins exposés si jamais la route «Nord» se transforme en Berezina.

Donc pour résumer…

Le groupe «Centre» est dans une position idéale d’observateur. Si ça sourit aux gens du «Nord», on peut se recaler, se disent-ils ; et, si c’est «Sud», on leur repassera devant. Les «centristes» ont moins de distance à parcourir pour attraper l’alizé, mais avec près de 100 milles derrière la tête de course quand même… En fait, ce groupe «Centre» va faire un peu d’Ouest et redescendre en cherchant la maîtrise du jeu.

Que peut-il se passer à court terme ?

Si, samedi, les nordistes qui mènent la course éprouvent des difficultés à descendre, cela risque d’être emmerdant pour eux. Et si dimanche on voit que leur descente est problématique, ça va être très délicat, car ensuite l’anticyclone va se reconstruire et les nordistes vont avoir du mal à le traverser.

Les «Centristes» sont très dangereux car il suffit que les nordistes piétinent, rien qu’une demi-journée, pour leur passer sous le nez. Dimanche on verra plus clair sur les opportunités de victoire des «Nordistes» et des «Centristes»

Conclusion, En voile, on peut oser rallonger sa route.

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