jeudi 8 mai 2008

ARTEMIS TRANSAT : Peyron: "Pas une légende"




Peyron: "Pas une légende"

Seul navigateur avec Eric Tabarly à avoir remporté à deux reprises la Transat anglaise (1992 et 1996), à chaque fois sur multicoque, Loïck Peyron prend dimanche le départ de sa cinquième Ostar (rebaptisée The Artemis Transat), sa première sur monocoque de 60 pieds. Fort de son succès en décembre sur la Transat BtoB, le skipper de Gitana 80 s'annonce comme l'un des favoris de cette mythique épreuve, un statut qu'il assume, et à plus long terme du Vendée Globe, dont le départ est dans six mois pile...

Quelles ont été les principales modifications effectuée sur Gitana 80 l'hiver dernier ?
%IMAGE47621LEFT%Principalement un nouveau mât. C'est le même tube que le précédent avec quelques améliorations. C'est un des mâts les plus légers de la flotte tout en étant l'un des plus grands, un mât classique, pas un mât-aile. L'idée initiale avec Jean-Pierre (Dick, Gitana 80 est le sistership de Paprec-Virbac, ndlr) était de faire une petite corde, un mât tournant à barres de flèches, c'est ce qu'il a tout comme Ecover et Aviva. Mais je n'avais pas forcément aimé la manière dont ça avait été fait sur le bateau de Jean-Pierre, je n'étais pas en confiance, donc il y a un an et demi, on a brutalement changé de copie et on est revenu à un mât classique, même s'il est de moins en moins classique parce qu'on y travaille beaucoup.

Comme d'autres, avez-vous insisté sur la chasse au poids l'hiver dernier ?
La course au poids est constante, mais le premier jet était loin d'être mauvais. Il y a des micro-détails, mais 80% du boulot, c'est la fiabilité. La performance dépend essentiellement de ça. Le potentiel du bateau a été suffisamment éprouvé pendant la Jacques-Vabre et la BtoB, il correspond parfaitement à ce que j'aime bien, à savoir qu'il ne faut pas forcément être le plus rapide, mais ne jamais le plus lent. Après, il y a d'autres paramètres qui rentrent en compte, on travaille beaucoup sur le détail ergonomique, c'est d'abord sur l'utilisation qu'on peut beaucoup améliorer les choses, à partir du moment où le bateau est bien-né.

Globalement, quel bilan avez-vous fin 2007 au niveau de la flotte Imoca ?
Il y a eu plusieurs tendances architecturales: des bateaux plus extrêmes que d'autres, moins complets, on le sent et on l'a vu sur le peu d'épreuves qu'on a faites ensemble, d'autres qui sont plus complets, ça ressemble un peu aux Farr, il y en a qui sont intéressants, comme Safran et Bel, et puis il y a l'école anglo-saxonne qui est toujours puissante, mal-protégée. C'est bizarre, ils font des bateaux qui ressemblent à des bateaux d'équipage. On est 13 ici mais quand on verra les 24 ou 28 au départ du Globe, ça va être marrant.

Le Vendée Globe, c'est dans six mois, allez-vous être tenté de vous ménager sur cette Transat anglaise, comment l'appréhendez-vous ?
Je prends ça comme deux transats, aller et retour, puisque je fais le retour immédiatement en solo, sans m'arrêter ou presque, le tout dans un rythme de transat et de tour du monde. Mais il est encore temps de tirer sur la machine pour en extraire et le potentiel et les ennuis potentiels. C'est pour ça qu'on est quelques uns à être ici, sans avoir l'obligation puisqu'on est d'ores et déjà qualifiés pour le Globe. Le meilleur moyen d'apprendre, c'est de se mesurer aux autres et à sa propre machine en course.

Justement, quels adversaires craignez-vous le plus ? Michel Desjoyeaux qu'on annonce comme l'homme à battre ?
Il fait partie des hommes à battre, c'est évident, il a une certaine bouteille, il a déjà gagné cette course, comme moi d'ailleurs, c'est un client intéressant qui est toujours là, on l'a vu sur la Jacques-Vabre et la BtoB, mais c'est pas le seul. C'est vrai que les vieux briscards ont encore un petit peu d'avance dans des domaines difficiles à exprimer, parce que ça s'appelle l'expérience et qu'on ne sait pas à quoi ça ressemble, mais après, il y a la fougue de le jeunesse, beaucoup de binômes skippers-bateaux capables de faire des choses.

Vous avez jusqu'ici participé à cette Transat sur multicoque, on imagine qu'en monocoque, ça s'annonce plus tranquille, non ?

C'est vraiment à double tranchant. Evidemment, les monos sont inévitablement moins stressants dans 90% des cas, parce ce sont des bateaux plus stables. Par contre, il y a 10-15% des cas où c'est franchement plus stressant, au portant dans la brise mais aussi ne serait-ce que pour les endroits où on va et où on ne va pas forcément tout seul en multicoque. Il y a un autre aspect qui est beaucoup moins facile, c'est l'aspect physique: il y a beaucoup plus de travail sur un monocoque, beaucoup plus de réglages, de changements de voiles, de voiles tout court. Sans oublier un matossage (le déplacement des poids dans le bateau pour qu'il gîte le moins possible, ndlr) permanent de droite à gauche, d'avant en arrière, à chaque manoeuvre, qui nécessite un effort physique et une anticipation assez impressionnants. Tout ça se vaut. Donc, les cheveux blancs, je vais peut-être en fabriquer moins, mais je vais enfin faire du muscle.

Quand on s'appelle Loïck Peyron, on est forcément attendu, cela vous met-il un peu de pression ?

Non. J'ai certes rarement pris des départs de course sans avoir des prétentions importantes, mais je sais aussi parfaitement accepter le fait de ne pas gagner. C'est vrai que ce serait joli de faire une petite triplette après mes deux victoires en multi, mais ça ne va pas être fastoche.

Quel souvenir marquant gardez-vous de cette Ostar ?

J'ai bien aimé la première Ostar que je gagne en 1992, l'arrivée à Newport, c'était assez joli. Juste avant d'arriver, quand on est seul, qu'on sait qu'on a un peu d'avance, on voit la côte arriver et avant qu'on ne soit entouré, on a un peu le temps de se remémorer cette micro tranche de vie, qui est ridicule vue de la lune. On se dit: "Merde, quelques années auparavant, il y avait un certain Eric Tabarly, Chichester, mon oncle Terlain, Colas..." Moi, je baigne dedans depuis tout petit, je suis contemporain de pas mal de navigateurs très légendaires, et forcément quand on écrit son petit nom, derrière, on se dit: "Qu'est-ce que je fais là ?"

Vous parlez de marins légendaires, mais n'avez-vous pas l'impression de faire partie de cette légende aujourd'hui avec toutes vos victoires ?
J'aimerais pas! J'ai fait un bouquin sur des marins légendaires. Et évidemment, dans tous ceux que j'ai choisis, aucun n'était vivant, parce que pour moi, les légendes sont des gens qui ne sont malheureusement plus là. Il y en a certains, surtout Eric, qui n'avaient pas besoin de disparaître pour être une légende, c'est le seul. Ce n'est pas notre cas à nous, on fait peut-être partie des murs, mais des légendes, il n'en faut pas beaucoup.

N'y a-t-il pas tout de même un peu de fierté ?
Si, ça arrive. Mais paradoxalement, je suis souvent presque plus fier, en tout cas plus ravi, de gagner le Spi Ouest-France en Open 750 que peut-être la transat dans quelque semaines. Il y a des moments où la valeur des choses n'a bizarrement rien à voir avec ce qu'on peut imaginer vu de l'extérieur. Il y a des petites victoires ou des grandes défaites qui sont très belles à retenir, ce n'est pas l'accumulation de palmarès dans le sens des grandes classiques qui m'intéresse potentiellement. D'avoir vendredi dernier navigué d'une manière quasiment parfaite avec l'équipage d'Okalys en D35 (catamaran sur le Lac Léman, ndlr) devant les Cammas, Gautier, Bertarelli, Kostecki et autres rock stars, j'étais ravi.

Dans six mois débute le Vendée Globe, vous considérez-vous comme un vrai candidat à la victoire ?
Oui. Ce n'est pas de la prétention mais juste une analyse normale des choses. Il y a une autre raison, c'est que depuis deux ans que je dirige le Team Gitana, je trouve que l'impulsion de Benjamin de Rothschild est assez géniale, c'est une chance extraordinaire de partager une passion avec quelqu'un comme ça. La passion et la compréhension des problèmes par un armateur comme lui, c'est assez unique, ça met une température très très positve, et ça, c'est très important, car une course en solitaire, ça ne se gagne pas tout seul.

Et ce Vendée, vous y pensez tous les matins en vous rasant ?
Ça commence à chauffer, c'est normal. Je passe mon temps à visualiser beaucoup de choses et il est vrai que là, je suis constamment en train de manoeuvrer, dans l'avion, dans le train... J'empanne, je répare, je passe mon temps à anticiper sur les emmerdes, je noircis des listes, il y a des petits réflexes innés qui prennent le dessus, au niveau de la nourriture par exemple, il n'y a qu'au niveau du sport et du footing que je ne fais que visualiser car je ne pratique pas !

Le Britannique Steve White sera au depart en 60 pieds


La nouvelle du jour est la confirmation de la participation de Steve White : le Britannique qui s'élancera à bord du 60 pieds Spirit of Weymouth (ex-Gartmore), vient d'achever son parcours de qualification de 1 000 milles effectué dans des conditions météorologiques très variées : il est le treizième candidat en Imoca de cette treizième édition. Patrice Carpentier ne sera en revanche pas au départ dimanche 11 mai à 14h00 locales avec les onze autres Class'40.
Chaleur estivale sur le port de Sutton Harbour où sont amarrés les vingt-trois monocoques en attente du départ de The Artemis Transat : plus de 25°C dans le quartier de Barbican où se pressait le public britannique attiré par cette concentration de technologie au rythme entraînant des musiciens de jazz. En ce début mai, les Anglais profitent des premiers rayons de soleil et des températures inhabituelles à cette période de l'année, pour flâner et découvrir ces voiliers de 60 pieds qui ont énormément gagné en puissance depuis quatre ans, et ces nouveaux Class'40 qui vont participer à leur première traversée de l'Atlantique Nord, comme aux temps anciens des premières éditions !
Et ces conditions météorologiques semblent bien s'installer durablement sur le Sud de l'Angleterre : même si un léger voile nuageux est prévu dans la nuit de jeudi et quelques grains de pluie vendredi soir, le climat s'annonce plutôt estival et ce, particulièrement dimanche pour le départ ! Plus de 25°C et du soleil avec une petite brise de secteur Est pour sortir sous spinnaker de la rade de Plymouth. La difficulté n'en sera que plus grande pour s'extraire rapidement des effets de côte de la Manche et pour attraper un flux de Nord, puis contourner (si possible) par le Nord une dépression peu active mercredi. La suite est plus confuse mais d'ors et déjà, cette treizième édition marque la nécessité de creuser l'écart dès les premiers milles pour profiter de conditions plus favorables.
A chaque édition suffit sa peine
Depuis 1960, aucune édition de The Artemis Transat n'a ressemblé à une autre : gros temps, route Sud, orthodromie, petite brise portante, icebergs, bancs de brume, froid glacial, succession de tempêtes, chaleur tropicale, anticyclone polaire. Bref avoir une vision statistique de cette épreuve quatriennale n'est pas chose aisée ! Michel Desjoyeaux, dernier vainqueur en 2004, analyse les particularités de ce parcours de 2 745 milles entre Plymouth et Boston :
« The Artemis Transat est une épreuve plus difficile que la Route du Rhum ! C'est une course importante en terme de résultat sportif, de dureté et de difficulté. Parce que le parcours se déroule contre les vents dominants, parce que c'est l'Atlantique Nord, parce qu'il fait froid et qu'il y a des glaces dérivantes. L'eau aux abords du courant du Labrador n'est qu'entre 2° et 5°C. Ce sont les mêmes conditions que les mers du Sud ! Et la transition est plus brutale que sur une descente de l'Atlantique.
En 2000, j'avais démâté quinze jours avant mais on savait pourquoi cela s'était passé : je n'étais pas inquiet à ce niveau et j'étais même en tête les trois premiers jours de course. Mais j'ai reçu un coup de fil de mon sponsor qui m'a indiqué qu'il y avait eu trois démâtages dans la nuit et qui me demandait de lever le pied pour assurer ma qualification pour le Vendée Globe. Je me suis calmé et j'ai refusé les obstacles : cela m'a permis de voir qu'au près, PRB marchait bien. J'ai mis seize jours à traverser : aujourd'hui sur Foncia, je n'ai pas la même ambition !
En 2004, The Transat avait été extrêmement rapide puisque nous avions mis seulement huit jours et demi en trimaran, mais surtout elle avait été particulièrement froide puisque nous étions montés jusqu'à 54° Nord ! J'ai souvenir que mes mains n'avaient pas repris tout de suite leur sensibilité après l'arrivée à Boston. Cette fois, j'ai emmené plus de gants, de polaires, de bonnets pour avoir chaud. Surtout que cette édition en monocoque va durer un peu plus longtemps : entre dix et quatorze jours. Le fait que le départ soit avancé de trois semaines par rapport aux éditions précédentes ne change pas grand-chose, si ce n'est que statistiquement, il devrait faire plus froid, et finalement, cela nous fait rentrer début juin, ce qui est bénéfique pour effectuer un chantier estival avant le Vendée Globe.
Il y a tout de même du beau monde bien que nous ne soyons que treize en 60 pieds : on ne va pas perdre notre temps en traversant l'Atlantique ! Il me faudra surveiller Sébastien Josse qui a repris l'ex-Estrella Damm très proche de Gitana Eighty dans son concept, mais aussi Loïck Peyron, Marc Guillemot, Yann Eliès, Vincent Riou, Armel Le Cléac'h. Samantha Davies a bien fait progresser son bateau avec des ballasts supplémentaires, des dérives latérales, de nouveaux winches.

Source Event media

http://www.whiteoceanracing.com/

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