jeudi 1 mai 2008

TRANSAT AG2R




Les phases de transition ne sont pas des plus faciles à vivre pour les coureurs de haute mer. C´est ici que l´on s´interroge pour savoir si l´investissement que l´on a consenti va s´avérer payant. Derrière viendra l´heure des comptes... En attendant, les hommes du sud sont à la recherche des alizés, ceux du centre commencent à ralentir quand le nord rafle (provisoirement?) la mise... Hier soir Gedimat et Athéma sont revenus à hauteur du leader Financo.

Tromperie sur la marchandise : Christopher Pratt, coéquipier de Nicolas Troussel sur Financo, n’hésitait pas à employer les grands mots, au vu du menu qui attendait les tandems dans les heures à venir. « Nicolas m’a vendu des glissades sous spi et on va encore faire du près pendant des jours… » Moral toujours au beau fixe chez le leader de la course malgré la perte d’une petite dizaine de milles sur ses poursuivants immédiats. La faute à un empannage un tout petit peu tardif, mais comme le notait Dominic Vittet à bord de Gedimat : « C’est peut-être la première erreur qu’ils font depuis le départ…. » Mais, qu’on se le dise, les tenants de la route du nord affichaient plutôt des mines réjouies à la lecture du classement de ce jour à 11 heures. En témoignait aussi Vincent Biarnes à bord d’Athéma : « Notre position est plutôt avantageuse : nous avons encore le choix entre plonger au sud dans un couloir ou continuer sur la route du nord. C’est quand même plus confortable… »
Si la satisfaction semble de mise au pays du nord, les sudistes semblaient plus circonspects sur leurs chances à venir. « On investit, on investit. Mais il ne faut pas espérer de retour sur les fonds avancés avant samedi ou dimanche prochain. L’équipage est un peu tendu, un peu crispé, mais on assume », reconnaissait Jean-Paul Mouren sur Cliptol Sport. Il reste que si les tenants de la route nord arrivent à tenir le rythme, il faudrait aux extrémistes méridionaux pouvoir tenir une moyenne de deux nœuds supérieure au reste de la flotte. Un pari difficile, mais il n’est pas toujours nécessaire d’espérer pour entreprendre…

Centre ou ventre mou ?

Restent bien évidemment les tenants d’une route plus centrale… Aujourd’hui, il était impossible de joindre les tenants de cette option. Et pour cause : au classement de 11 heures, les leaders tel Cercle Vert ou Les Mousquetaires voyaient leur progression très nettement ralentie. Coup de frein provisoire, baisse de régime propre à obérer les chances de quelques uns des favoris de la course ? Cette journée est, pour eux, celle de tous les dangers. On imagine qu’à bord, la tension est montée d’un cran : se voir progresser à trois ou quatre nœuds quand les petits camarades continuent de filer à plus de sept met les nerfs à rude épreuve… Dans ce genre de cas, on se tait, on se concentre sur les réglages, on se fie aux fondamentaux : faire marcher le bateau, rester calme, jouer le fataliste… La régate a beau être un jeu incertain, on a parfois envie que le manège tourne à la même vitesse pour tout le monde.

Ils ont dit :

KPMG – Bertrand Castelnarac, 13ème au classement de 17h
« Cela se passe bien. On est encore rapide sous spi. On passe beaucoup de temps à regarder ce qui nous attend. Ce qui est sûr c’est que les cirés vont être de sortie car on va être au près ou au reaching. Ce n’est pas la transat dans les alizés comme tout le monde peut en rêver. Ce que l’on va prendre là, il vaut mieux le prendre en Figaro qu’en Mini. Il y a quand même de belles différences, le Figaro est un super bateau. Le classement n’est pas très significatif. C’est vrai qu’il va se passer encore pas mal de chose ; on espère que cela ne sera pas dramatique pour nous. »

SNEF et Cliptol Sport – Jean Paul Mouren, 20ème au classement de 17h
« On y croit encore un peu. Ça va arriver un peu tardivement pour passer par la cuillère du sud. Là-haut ils ont avancé et cela va peut-être nous coûter cher. On devrait être en positif d’ici 4 à 5 jours. Une fois que l’on a commencé à investir, il est difficile de se retirer. On devrait avoir un retour sur investissement, mais pas avant le 5 mai.
On n’est pas aux anges, on est tendu, crispé mais on assume. On va faire avancer le bateau au mieux et on a encore pleins de ressources à bord (nourritures, humaines…). Il faut croire à son étoile. On fait son devoir de bon marin et on espère récupérer une partie de notre retard. »

Gedimat – Dominic Vittet, 2ème au classement de 17h
« Ça va bien. On n’est pas mécontent d’être là où on est. On a resserré le jeu avec nos petits camarades de Financo, on n’a jamais été aussi près. On est bord à bord avec Athema, c’est comme une petite régate. Financo, qui a fait une régate parfaite depuis le début a peut-être fait une petite erreur en empannant un peu tard hier. On est content qu’il y ait du jeu. On avait 30 milles de retard à Madère, mais 30 milles avec du jeu ce n’est pas énorme. On est content que le jeu soit complexe, chacun doit prendre ses risques, tracer sa route. On regarde ça, c’est vraiment amusant ce jeu d’échec. »

Comme prévu, dans les hauts du plan d’eau, la traversée vers les tropiques défie les idées reçues. Pas d’alizé qui tienne, place à un flux d’Ouest, Sud-Ouest de 10-15 nœuds. Mais qu’importe les conditions, tant qu’il y a la compétition. Dans ce domaine, les 23 équipages de la Transat AG2R sont servis. Le suspense reste entier. Financo et le groupe du Nord gardent la tête. Mais aux abords de l’orthodromie, Cercle Vert, Suzuki Automobiles ou encore Les Mousquetaires commencent à reprendre des milles et du terrain. Aujourd’hui, c’est le 1er mai et les équipages ont bien reçu leur premier brin de près…
La météo de la Transat AG2R 2008 a le chic de ne pas respecter les conventions, de défier les us et coutumes. D’abord, elle prive la flotte d’alizé, ensuite elle sert une jolie dépression le 1er mai. La fête du travail au près sur la route des tropiques, voilà qui oblige les marins à tirer des bords et à négocier la moindre bascule de vent. Fini les longues glissades sous spi, place à une progression plus laborieuse et plus humide. « Deux fois la route, trois fois la peine », dit le dicton. Il va sans dire que les quelques extrémistes du Sud, refusant de se plier à ces conditions, ne connaissent pas aujourd’hui l’influence de cette dépression. Eux le près ? « Pas vu, pas pris ! » Ils en sont loin, ils progressent encore à 280-300 milles de la tête de flotte. Notons néanmoins que Solarinox et SNEF-Cliptol Sport ont désormais infléchi leur route et mettent le cap à l’Ouest.

Les écarts se resserrent
Pour les autres, les écarts se resserrent déjà. Cercle Vert et Mousquetaires, forts de leur décalage en latitude, ont déjà repris une douzaine de milles sur la tête de flotte. Plus en arrière aussi, dans le sillage du groupe qui progresse dans les environs de l’orthodromie, les affaires reprennent. KPMG se hisse ainsi à la 11ème place et n’accuse plus que 92 milles de retard sur les premiers. La navigation précise d’Elodie Riou et Bertrand Castelnerac porte ses fruits.

Bataille de bords à tirer
Pourtant, Financo, menacé hier par les autres nordistes ne lâche rien. En vrais patrons, Nicolas Troussel et Christopher Pratt concèdent un peu de terrain, mais tiennent tête ! À l’aube, ils mènent leurs troupes forts de 3 petits milles symboliques. Disons qu’ils ont l’art de la négociation. Céder un peu pour reprendre ensuite ? Dans son tableau arrière, Cercle Vert ne l’entend pas ainsi. Gagner un peu avant de reprendre beaucoup. Place à une bataille de bords à tirer. Avec l’arrivée de la dépression, un vent de contestation semble souffler sur la flotte. Une chose est sûre : dans les jours qui viennent, l’honneur sera dans le près… Le vent de 10-15 nœuds doit forcir au cours de la journée. Il sera plus soutenu au Nord.

 Les Mousquetaires – Bertrand de Broc (5è au classement de 5 heures) : « Pour l‘instant ça va bien, le vent vient de Guadeloupe ou de Martinique, il rentre doucement. On a 15 nœuds de Sud-Ouest, il y a peu de mer encore. Nous avions 8 à 9 nœuds cette nuit, cela rentre graduellement. On s’attend à des conditions musclées, on a remis les bottes et le ciré après une nuit tranquille sous pilote. Désormais on regarde les diverses options à venir, cela va rentrer à la mi-journée avec 25 – 30 nœuds pour les gens du Nord, c’est toujours difficile d’évaluer les conditions ! Là, les choses sont simples, nous sommes tous sur la même ligne : de Financo à Cercle Vert, c’est au gré des bascules que cela va se faire pour récupérer quelques milles. On pourrait même croiser avec quelques bateaux. Plusieurs bateaux me semblent encore bien dans le match et difficiles à départager. Allez, bonne journée… ne travaillez pas trop ! »

 Cercle Vert – Gildas Morvan (8è au classement de 5 heures) : « Tout va bien à bord de Cercle Vert. On a une dépression au Nord, un système anticyclonique dans le coin et il faudrait s’échapper dans le Sud pour chercher les alizés. Cette nuit, ce n’était pas évident, on vient de reprendre du vent et le bateau glisse à nouveau depuis une heure. On a investi plus Sud avec une option à long terme. Le moral est bon, nous sommes en forme, on reste concentré sur les fichiers météo. Jean vient de partir dormir, il a fait du bon boulot cette nuit à la barre. Il reste à négocier ce passage de dorsale, là on va reprendre quelques milles, mais c’est surtout dans deux jours que cela va payer… »

Trophée AG2R de la Performance solidaire du 30 avril 
Atlantik FT (Phil Sharp & David Krizek) avec 229,2 milles parcourus en 24h

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