jeudi 12 juin 2008

La voile donne un coup de pouce aux marins pêcheurs



Durement frappés par la flambée du prix des carburants, il devient de plus en plus difficile pour les pêcheurs de vivre de leurs activités. Conscients de l’urgence de trouver, sinon des solutions, du moins des échappatoires à cette crise énergétique, les différents acteurs de la filière maritime de la région bretonne se sont réunis sous l’égide du pôle Mer Bretagne pour donner vie au projet Grand Largue. Réunissant nombre de spécialistes de la filière maritime, celui-ci est soutenu par une équipe pour le moins hétéroclite, rassemblant tout à la fois de grandes entreprises telles qu’Avel Vor Technologie, des laboratoires privés et publics, des PME ainsi que des centres de recherche universitaire parmi lesquels on compte l’INSA (1) de Rennes. A la base de cette opération, une idée toute simple : réintroduire la voile sur les bâtiments de pêche dans l’optique de réduire la consommation de carburant.

En raison de son caractère aléatoire, le vent n’est pas envisagé ici comme une source d’énergie de substitution au combustible fossile mais plutôt comme un apport auxiliaire, dont le rôle est de restreindre autant que possible le recours au moteur. Le concept de propulsion hybride n’est pas en soi une nouveauté. En mars dernier, un cargo de la marine marchande s’était ainsi vu doté d’un mécanisme similaire mais sa voilure s’apparentait plus alors à un grand cerf-volant qu’à une voile standard.

Dans le cadre du programme du Grand Largue, en vue de minorer les coûts d’investissements, le projet fait appel à des voiles classiques, déjà utilisées dans la navigation de plaisance. Les financements de départ devraient dès lors être amortis en deux ans d’utilisation, l’adjonction de voiles permettant d’économiser en moyenne entre 20 et 30 % de carburant. De plus, si les prix du gazole et de l’essence venaient à poursuivre leur ascension fulgurante, le délai d’amortissement pourrait encore être revu à la baisse.
Soucieux par ailleurs de ne pas alourdir le travail du pêcheur, le système sera presque intégralement automatisé, exception faite du choix du cap et de la vitesse dictés par le commandant de bord. Une fois muni de ces informations de base, un logiciel d’intelligence artificielle gérera la manœuvre des voiles en fonction de la force et de l’orientation du vent pour parvenir à un rendement optimal.

L’ensemble de ces fonctionnalités seront prochainement testées sur un bateau cobaye, spécialement mobilisé pour le projet. Baptisé le Grand Largue, ce chalutier en bois de 16 m est actuellement aménagé en ce sens. Représentatifs de la diversité de la flotte de pêche européenne, deux autres navires sont déjà pressentis pour recevoir l’équipement. Il s’agit du « Ché Guévara », un bolincheur (2) de 17 m de la société Wakan Tanka, et du « Noz Deiz » un coquillier (3) de 10 m, création de la SARL Laurenti.

A l’heure actuelle, bien que le secteur de la pêche se montre favorable à cette alternative de propulsion hybride, les initiateurs du Grand Largue attendent l’issue des essais pour commercialiser le concept. Misant sur la prudence, ils souhaitent en effet prendre le temps de mener à bien diverses séries de tests afin de donner toutes les chances au projet de s’installer durablement.

Si elle est la plus surprenante, la réhabilitation de la voile n’est pourtant pas la seule ambition du Pôle Mer Bretagne. Elle prend corps dans une perspective plus vaste, laquelle consiste à repenser intégralement la motorisation type d’un bateau de pêche. Ainsi, sont déjà à l’étude des procédés de récupération des gaz d’échappement, destinés à être reconvertis en sources d’énergie.

Quoiqu’il en soit, s’il parvient à faire ses preuves et à soulager les pêcheurs de la pression dont ils sont victimes, le système pourrait bien susciter l’intérêt des autres utilisateurs de ce que Jean-Yves Glorennec, acteur du projet, a appelé avec justesse « l’autoroute de la mer ».


1- Institut National des Sciences Appliquées.
2- Le bolincheur doit son nom au filet qu’il emploie, le « bolinche », particulièrement apprécié pour la pêche de petits poissons tels que la sardine, l’anchois et le chinchard.
3- Le coquillier est l’appellation traditionnelle pour désigner un bateau spécialisé dans le dragage de la coquille Saint-Jacques.

Aucun commentaire: