C’est dimanche que s’élancera de Plymouth la 13e édition de la Transat anglaise en solitaire, baptisée cette année The Artemis Transat. Une édition sera cette année exclusivement réservée aux monocoques avec 12 Imoca (60 pieds) et 11 Class 40. Les 24 solitaires ont désormais tous amarré leur bateau à l’un des pontons de Sutton Harbour, à Plymouth, ils vont pouvoir préparer leurs fichiers météo pour un départ qui s’annonce dans des conditions clémentes. Rappelons qu’en Imoca, en l’absence du tenant Mike Golding, mais aussi de Roland Jourdain, Jean Le Cam, Jérémie Beyou, Jean-Pierre Dick ou Bernard Stamm, les favoris seront Michel Desjoyeaux, Marc Guillemot, Yann Eliès, Vincent Riou, Sébastien Josse et Loïck Peyron, double vainqueur de cette Ostar, en multicoque (1992 et 1996).
48 ans en solitaire
"Un homme, un bateau, l'océan". C'est à partir de ce postulat d'une grande simplicité qu'est née il y a 48 ans la Transat anglaise qui relie tous les quatre ans la côte Sud de l'Angleterre à l'Ouest des Etats-Unis. L'histoire de cette mythique épreuve ne manque pas de coups de théâtre, elle aura en tout cas largement contribué à développer la course au large, particulièrement en France, comme l'explique Michel Desjoyeaux, vainqueur en 2004 sur son trimaran Géant: "Si Eric Tabarly n'avait pas gagné cette transat en 1964 et 1976, on ne serait pas là aujourd'hui avec nos super bateaux." Retour sur 48 ans d'histoire(s) maritime(s).
1960 : Chichester le pionnier
Francis Chichester, premier vainqueur (DPPI).
C'est sous l'appellation d'Ostar, encore largement usitée aujourd'hui et traduction d'Observer Single-handed Transatlantic Race, que la Transat anglaise naît en 1960, créée par Blondie Hasler, un lieutenant-colonel des Royal Marines à la retraite et sous le patronage du Royal Western Yacht Club de Plymouth. Ils sont cinq aventuriers à s'élancer de Plymouth le 11 juin 1960 à destination de New York. Et c'est assez logiquement le plus grand bateau, un 39 pieds (11,90 mètres), qui inscrit le premier son nom au palmarès de l'épreuve, le Gypsy Moth III de Francis Chichester, en 40 jours, 12 heures et 30 minutes. Le Français Jean Lacombe sur son petit monocoque de 21 pieds (6,40 mètres) termine 34 jours derrière le Britannique.
1964 : La légende Tabarly
Eric Tabarly entre dans la légende (DPPI).
Que serait aujourd'hui la course au large française et même la simple voile de plaisance sans la victoire d'Eric Tabarly en 1964 ? En remportant la deuxième édition de l'Ostar en 27 jours à bord de son ketch de 44 pieds, Pen Duick II, le lieutenant de marine, seul Français en course, frappe un très grand coup. Grâce à une préparation professionnelle, il termine en tête à Rhode Island, sans savoir à ce moment qu'il remporte l'épreuve. Inconnu au départ, Tabarly devient une véritable idole en France avec cette victoire qui contribuera à la démocratisation de la voile et lui vaudra une remise de la Légion d'Honneur par le Général De Gaulle. Surtout, il suscite de nombreuses vocations, entraînant dans son sillage nombre de skippers qui connaîtront aussi la gloire, tels Alain Colas, Olivier de Kersauson, Philippe Poupon, Marc Pajot, Titouan Lamazou, Michel Desjoyeaux, Philippe Monnet, Francis Joyon, Yves Parlier, Jean Le Cam...
1968 : Williams joue au plus fin
Disputée dans des conditions dantesques, avec une grosse tempête et des vents de 60 noeuds, cette 3e édition de l'Ostar, avec 35 bateaux au départ, dont 13 multicoques, consacre Geoffrey Williams, vainqueur sur Sir Thomas Lipton. Un succès controversé, puisque le Britannique n'a pas bouclé le parcours exact et qu'il a profité de l'absence de règlement en la matière pour, grâce à une radio à haute fréquence, communiquer avec une équipe météo à terre et bénéficier ainsi de ce routage extérieur. Ce qui lui permettra de contourner la grosse dépression par le nord et de l'emporter en 25 jours et 20 heures. Le routage ne sera plus autorisé par la suite jusqu'en... 2004, la classe Orma (multicoques de 60 pieds) la rétablissant pour la 12e édition. Eric Tabarly, sur son tout nouveau maxi (pour l'époque) trimaran Pen Duick IV (20 mètres) abandonne prématurément.
1972 : Le triomphe de Colas et du multicoque
Alain Colas s'impose en 1972 (DPPI).
Huit ans après Eric Tabarly, Alain Colas remporte la 4e édition à bord du Pen Duick IV du maître, cette fois-ci bien fiabilisé. 20 jours et 13 heures lui sont nécessaires pour traverser l'Atlantique et imposer la supériorité des multicoques sur les monocoques. A bord du mono géant Vendredi 13 (40 mètres!), Jean-Yves Terlain échoue en effet 16 heures derrière Colas. Marie-Claude Fauroux est la première femme à boucler la Transat anglaise en 33 jours.
1976 : Tabarly au bout de la démesure
Club Méditerranée, le bateau de la démesure (DPPI).
Avec 125 bateaux au départ et la participation controversée d'Alain Colas sur un monocoque géant de 72 mètres doté de quatre mâts, Club Méditerranée, cette 5e édition restera celle de la démesure. D'autant que la météo s'en mêle, avec cinq grosses dépressions qui font des dégâts considérables. Deux skippers y laissent leur vie (Mike Flanagan et Mike McMullen) et seuls 73 bateaux terminent dans les délais. Victime d'une panne de pilote automatique, Eric Tabarly est sur le point de renoncer, mettant le cap sur la France avant de finalement repartir au combat. Epuisé, il s'impose en 23 jours et 20 heures sur Pen Duick VI, ketch de 73 pieds (23 mètres). Ce sera la dernière fois qu'un monocoque ira plus vite que les multicoques. Avec cette deuxième victoire, Tabarly atteint sans doute le sommet de sa carrière. Club Méditerranée, victime de problèmes de drisses, s'arrête à Terre-Neuve et termine deuxième avant d'être déclassé à la cinquième place suite à son escale technique.
1980 : La bouderie des Français
Quatre ans après la chaotique cinquième édition, les organisateurs sont revenus à plus de sagesse en limitant la taille des bateaux à 56 pieds (17 mètres) et le nombre d'inscriptions. Cette décision provoque la fronde de nombreux skippers français qui tournent le dos à l'épreuve pour se jeter dans les bras d'une transat concurrente, la Route du Rhum (dont la première édition a eu lieu en 1978). Contraint de renoncer suite à une blessure, Eric Tabarly laisse la barre de son futuriste Paul-Ricard à Marc Pajot qui prend le départ hors course (faute de temps, il n'a pas effectué la qualification obligatoire). L'Américain Phil Weld sur Moxie remporte en 17 jours et 23 heures (nouveau record) l'épreuve qui voit le triomphe des multicoques.
1984 : Fauconnier sur tapis vert
Yvon Fauconnier avant le départ en 1984 (DPPI).
Revenus en force sur la course, les Français marquent de leur empreinte la 7e édition de l'Ostar. Le podium est 100% tricolore avec dans l'ordre Yvon Fauconnier (le père de Karine), Philippe Poupon et Marc Pajot. Fauconnier est sacré sur tapis vert, puisque c'est Philippe Poupon qui coupe la ligne le premier après 16 jours et 6 heures de course. Mais comme le skipper de Umupro Jardin V se voit retirer 16 heures à l'arrivée, le temps qu'il a consacré à secourir Philippe Jeantot, victime d'un chavirage, Poupon apprend en pleine conférence de presse qu'il termine finalement deuxième, six heures derrière Fauconnier. Il s'effondre alors en larmes.
1988 : La revanche de Poupon
Quatre ans plus tard, Philippe Poupon a séché ses larmes: le skipper de Fleury-Michon pulvérise le record de la Transat anglaise en s'imposant en 10 jours 9 heures et 15 minutes, loin devant olivier Moussy, arrivé 19 heures plus tard, et Loïck Peyron. La course se professionnalise davantage avec l'informatique à bord qui prend une importance considérable et des multicoques toujours plus performants. Mike Birch percute une baleine sur Fujicolor, tandis que le Britannique David Sellings est victime d'une attaque en règle d'une cinquantaine de cétacés, l'obligeant à quitter son monocoque naufragé !
1992 : Peyron, première !
Rebaptisée Europe 1 Star, la course consacre la flotte des multicoques de 60 pieds. La bataille de stratégies fait rage entre partisans du nord, du sud et du «milieu» et après l'abandon de Laurent Bourgnon (rail de grand-voile cassé) et le chavirage de Florence Arthaud, qui, deux ans plus tôt a remporté la Route du Rhum, c'est Loïck Peyron qui s'impose haut la main sur Fujicolor avec 30 heures d'avance sur Haute-Normandie de Paul Vatine. En monocoques, Yves Parlier, sur Cacolac d'Aquitaine, termine juste un jour après les trimarans et signe un nouveau record encore valable en 14 jours 16 heures et 1 minute.
1996 : Peyron d'un souffle
Loïck Peyron signe le doublé (DPPI).
Après Eric Tabarly, Loïck Peyron Fujicolor II est le deuxième skipper à remporter l'épreuve pour la deuxième fois. Le Baulois coiffe sur le fil Paul Vatine de trois heures, exploitant mieux les courants en fin de parcours. Francis Joyon, qui a opté pour une option très nord, chavire à l'approche de Terre-Neuve, une mésaventure également rencontrée par Laurent Bourgnon sur Primagaz. Les skippers de monocoques boudent l'épreuve, préférant se concentrer sur la préparation du Vendée Globe (qui sera remporté par Christophe Auguin).
2000 : Le coup de maître de Joyon
Francis Joyon triomphe en 2000 (DPPI).
Lâché un an plus tôt par son sponsor Banque Populaire, Francis Joyon se présente au départ de l'épreuve sur Eure-et-Loir avec une préparation et un budget limités. Il s'est en effet préparé à l'écart, sans disputer les autres épreuves du circuit des multicoques, et on ne donne pas cher de ses chances de se mêler à la victoire, objectif déclaré des Cammas, Roucayrol, Guillemot ou Gautier. 9 jours 23 heures et 21 minutes plus tard, nouveau record à la clé, Joyon crée la surprise, s'imposant avec deux heures et demie d'avance sur Marc Guillemot et fêtant de la plus belle des manières les 30 ans de la Transat anglaise. Et pour que la fête soit encore plus belle, c'est une Britannique, Ellen MacArthur qui s'impose en monocoques sur Kingfisher devant Roland Jourdain.
2004 : Desjoyeaux le roi du solitaire
Michel Desjoyeaux termine devant Thomas Coville (OnEdition)
Solitaire du Figaro, Vendée Globe, Route du Rhum, Michel Desjoyeaux complète son incroyable collection de victoires en solitaire sur cette 12e édition, qui répond cette fois au nom de The Transat. Sauvée des eaux pour Mark Turner, l'associé d'Ellen MacArthur au sein de la société Offshore Challenges, la doyenne des transats en solitaire propose un plateau de choix avec la crème de la flotte des multicoques en circulation, retapée après la Route du Rhum 2002, et quelques uns des monocoques appelés à disputés cinq mois plus tard le cinquième Vendée Globe. Et si deux ans plus tôt sur le Rhum, «Mich' Desj'», pour sa première course sur Géant, a bénéficié d'un petit coup de pouce du destin avec les multiples abandons (15 sur 18), il signe cette fois un véritable coup de maître en prenant la tête de la flotte dès la deuxième nuit avant de creuser l'écart au plus fort de la dépression pour finalement contrôler ses poursuivants (dans l'ordre Thomas Coville et Franck Cammas) et s'imposer avec un nouveau record à la clé de 8 jours 8 heures 29 minutes et 55 secondes. Si Desjoyeaux succède à un autre Français en multicoque, en monocoque, la Transat anglaise reste propriété britannique avec le succès de Mike Golding sur Ecover. En proie à des soucis pour manipuler sa quille, l'ancien pompier profite des abandons successifs de Jean-Pierre Dick (chavirage), Vincent Riou (démâtage) et Bernard Stamm (chavirage après la perte de sa quille) et de l'avarie rencontrée peu avant l'arrivée par Mike Sanderson pour l'emporter en 12 jours 15 heures 18 minutes et 8 secondes (record), il ne sera en revanche pas là en 2008 pour défendre son titre.
mardi 6 mai 2008
Transat anglaise: Tous à bon port
Publié par vie-project à 3:26 PM
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