mardi 6 mai 2008

Le XXIe siècle sera maritime


JACQUES DE CHATEAUVIEUX président directeur général du groupe Bourbon, LUC GILLET directeur des transports maritimes du groupe Total, PHILIPPE LOUIS-DREYFUS président de Louis-Dreyfus, armateur et président des armateurs européens, EUDES RIBLIER président de SeaFrance et d’Armateurs de FranceET FRANCIS VALLAT président de l’Institut français de la mer et du cluster maritime français.

Les larmes de nos souverains ont le goût salé de la mer qu’ils ont ignorée», disait Richelieu il y a plus de trois siècles…

La commission du livre blanc sur la défense et la sécurité nationales n’a pas choisi - tout au moins à ce jour mais il est bien tard - d’entendre les responsables du monde économique maritime français, pas même ceux dont le métier est de faire naviguer ou d’exploiter leurs flottes sur les mers du globe. Des flottes dont les centres de décisions sont nationaux et dont nombre de navires battent le pavillon national.

Or tout le monde sait que le XXIe siècle est et sera celui du maritime… et plus particulièrement du transport maritime.

Tout le monde sait en effet que la mondialisation est une marche irréversible, porteuse de mutations voire de sacrifices, mais aussi de mille opportunités. Tout le monde sait ou devrait savoir que la prospérité de notre économie, au service de nos concitoyens, repose sur la sécurité des flux en ressources énergétiques et matières premières, et sur les échanges en produits manufacturés. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que le président de la République a déclaré que «le livre blanc sur la défense sera celui de la mondialisation», tandis que l’on assiste partout à un important réarmement naval, notamment en raison des enjeux maritimes liés au trafic commercial ou à l’exploration des ressources maritimes.

Mais trop peu savent que le cluster maritime français - avec sa dizaine de fleurons d’envergure internationale (ces dix grands métiers où les professionnels français sont sur le podium mondial) - a des chances particulières et des atouts formidables pour la compétition économique qu’implique la mondialisation. Chances dont certains ont d’ailleurs commencé à se saisir vigoureusement comme le montre le développement impressionnant - économique mais aussi de l’emploi - de secteurs armatoriaux là où la France était un acteur de seconde zone jusque récemment.

Ce sont l’armement de ligne, l’offshore, les services industriels, bien d’autres… qui d’ailleurs se conforment aux exigences et bénéficient sur toutes les mers des avantages du «contrôle naval» de la Marine nationale (réactivé depuis 2001 et qui aide à veiller en permanence à la protection de nos marins, des cargaisons, de nos bateaux). Or ce contrôle naval ne peut jouer vraiment son rôle que si la Marine est présente partout où passent nos navires : golfe Persique, Afrique et bien entendu Asie…

Alors c’est certes aux politiques et aux militaires de définir les forces navales dont la France a besoin, de réfléchir au nombre de porte-avions ou de frégates dont notre pays, et l’Europe d’ailleurs, ont besoin pour agir et peser sur les mers où se joue et se jouera de plus en plus le sort du monde. En revanche, il est de notre responsabilité de faire savoir clairement notre constat «quotidien» qu’un déploiement naval contribue, par sa présence, à circonscrire les crises et a un effet dissuasif très efficace propre à assurer la liberté à nos navires. Il nous appartient donc de dire que la marine marchande contrôlée par les entreprises françaises a besoin d’une Marine nationale forte et surtout présente dans toutes les zones de commerce du globe, et disposant d’une panoplie de moyens suffisante et suffisamment diversifiée pour qu’elle puisse jouer son rôle de protection.

Richelieu ajoutait que «de l’union des ressources privées et de la puissance publique doit sortir une marine [à deux faces : marchande et guerre, ndlr] capable de protéger et d’étendre le commerce… et de faire respecter de près ou de loin le nom de la France». N’oublions pas cette leçon de l’histoire à l’aube d’un siècle qui est d’abord maritime.

Source : Libération

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