jeudi 15 mai 2008

Archéologie : découverte à Istanbul de la plus vaste flottille médiévale connue





Une équipe d'archéologues turcs a exhumé d'un ancien port byzantin d'Istanbul 31 navires qui constituent selon ces chercheurs la plus vaste flottille médiévale jamais mise au jour.

Caïques à voile servant au transport du grain et du marbre, rarissimes navires militaires byzantins à rame... Le bilan des fouilles lancées fin 2004 sur le site de l'Eleuthérion, port fondé par l'empereur Théodose Ier (346-395) sur la rive européenne de la mer de Marmara (Nord-Ouest), a dépassé toutes les attentes.

"Jamais on n'avait exhumé autant de navires des 6e, 7e, 9e, 10e et 11e siècles", a déclaré Metin Gökçay, un des archéologues en charge du chantier. "Ils remplissent un grand trou dans la connaissance que nous avons de la technologie navale à l'époque byzantine".

Ces bateaux, dont subsistent surtout les coques -certaines atteignent jusqu'à 25 m de longueur- délivrent également de précieux enseignements sur les routes maritimes reliant la capitale d'un empire alors au faîte de sa puissance avec le reste du monde.

"Les navires venaient ici de tous les coins de l'empire. Nous avons retrouvé des objets provenant d'Égypte, de Chypre, de Crimée, de Russie, de Roumanie, de Bulgarie...", explique l'archéologue Mehmet Ali Polat. "C'est exceptionnel de retrouver dans un même lieu des objets avec autant d'origines différentes."

Équipé de vastes entrepôts, l'Eleuthérion a plusieurs siècles durant accueilli le blé et l'orge acheminés d'Égypte pour nourrir Constantinople, populeuse capitale de l'Empire romain de 330 à 395, puis de l'Empire romain d'Orient ou Empire byzantin, relate M. Gökçay.

"Mais au 7e siècle, les Arabes ont battu les Byzantins, qui ont perdu le contrôle de l'Égypte. Et on constate qu'au 9e siècle, les Byzantins vont cette fois faire du commerce avec les Russes, à mesure que ceux-ci se convertissent au christianisme", poursuit-il.

Outre les navires, les chercheurs ont mis au jour d'importants vestiges du port lui-même : les fondations d'un phare, une jetée, les bases d'une église ainsi qu'une vingtaine de mètres de la muraille de l'empereur Constantin 1er (274-337), jusque là connue uniquement par les textes.

Reste le mystère entourant le naufrage de dizaines d'embarcations à quai, un voile d'ombre qui sera peut-être levé quand l'équipe de géologues accompagnant les fouilles aura rendu ses conclusions.

Les archéologues privilégient pour l'heure l'hypothèse d'un tsunami qui aurait balayé le port au 6e siècle et que semble attester une strate orangée de sédiments sableux.

C'est en revanche un lent et plus banal problème d'ensablement qui a eu raison du port, au 15e siècle.

Alors que les excavations se poursuivent sur le chantier déjà pharaonique de l'Eleuthérion - 600 à 700 travailleurs, 50 à 60 scientifiques opérant sur une aire de 56.000 m2, avec selon M. Gökçay une forte probabilité de découvrir de nouveaux vaisseaux, les premiers navires ont déjà quitté le site.

Car la zone, située dans l'actuel quartier populaire de Yenikapi, doit accueillir une des gares du Marmaray, gigantesque projet de ligne de chemin de fer passant sous le Bosphore pour relier Europe et Asie, dont la construction doit s'achever en 2011.

Les pièces de 12 des 31 bateaux ont été soigneusement démontées, maintenues dans de l'eau douce pour leur faire rendre leur sel, puis dans des bains chimiques pour les solidifier et transportées au musée archéologique d'Istanbul à fin d'y être remontées.

Une fois les travaux achevés, les bateaux et une partie de leur cargaison devraient réintégrer la zone de l'Eleuthérion, où est prévue la construction d'un musée maritime.

Aucun commentaire: