mercredi 11 juin 2008

ECOLOGIE : Le sauvetage de la mer Morte par la mer Rouge à l'étude


Les études de faisabilité sur la création d'un canal reliant la mer Rouge à la mer Morte sont sur le point de débuter. Un projet soutenu par la France via l'Agence française de développement.
Ce n'est pas un ruisseau, mais il n'a rien d'un fleuve. Sous le pont Allenby, à la frontière entre la Jordanie et Israël, le mythique Jourdain achève, épuisé, les derniers mètres qui le séparent de la mer Morte, sa destination finale. Largement exploité, le Jourdain ne joue plus son rôle, celui d'alimenter la mer la plus salée au monde. Désormais trop bien nommée, elle dépérit. Elle a perdu un tiers de sa surface depuis les années 1970. Si rien n'est fait, elle pourrait disparaître au milieu du siècle, pronostiquent les experts. À première vue, de quoi justifier pleinement le projet soutenu par la Banque mondiale visant à relier, par un canal, mer Rouge et mer Morte afin de réalimenter cette dernière. Un projet qui devrait être évoqué par Nicolas Sarkozy lors de son voyage en Israël fin juin.

Les études de faisabilité sont sur le point d'être lancées. Elles seront menées par deux groupements. Le cabinet français Coyne et Bellier pilotera les études sur la faisabilité technique, économique et environnementale en relation avec le cabinet britannique ERM qui dirigera de son côté les travaux sur la seule question environnementale. La France, via l'Agence française de développement (AFD), débourse trois millions sur les douze que doivent coûter les études.

Pour beaucoup, ce projet «Red Dead» est vital. Non seulement il permet d'envisager un sauvetage de la mer Morte, tout en faisant s'asseoir autour de la table Israéliens, Jordaniens et représentants de l'Autorité palestinienne, mais surtout il apporte une solution au problème crucial de l'eau dans cette région. La hausse constante de la population et donc des besoins d'eau ont eu raison des dernières nappes phréatiques et autres lacs, source d'eau pour le robinet ou l'irrigation.

Pour la seule Jordanie, «le déficit annuel est d'environ 500 millions de mètres cubes», raconte Mousa Jama'ani, secrétaire général de l'agence de bassin. Dans certains quartiers de la capitale Amman, l'eau est coupée un jour sur deux. «Nous avons terriblement besoin de ce projet», ajoute Uri Shani, responsable du service de l'eau israélien ; «ce serait le moyen de montrer que quelque chose peut fonctionner entre nous», ajoute Shaddad Attili, l'un des responsables de l'agence de l'eau palestinienne. Tous d'ailleurs adhèrent à l'autre nom donné au projet : «Le Canal de la paix».

Les obstacles ne manquent pas
Concrètement, le plan est pharaonique. Il faut imaginer une première usine installée au bord de la mer Rouge afin de pomper l'eau, puis la construction d'un canal qui l'acheminera sur quelque 180 kilomètres jusqu'à la mer Morte. La pente tout le long du canal devrait permettre de donner suffisamment de puissance à l'eau pour créer une centrale électrique et faire tourner une usine de dessalinisation. Celle-ci traiterait environ 900 millions de m3 d'eau dont deux tiers seraient destinés à la Jordanie et un tiers pour Israéliens et Palestiniens. Le reste de l'eau du canal (entre 700 et 800 millions de m3) irait jusqu'à la mer Morte, à moins que ne se greffent d'autres projets tels que ceux défendus par le président israélien, Shimon Pérès. Il souhaiterait que l'on profite de la création du canal pour construire sur le parcours des lacs artificiels permettant de développer des bases touristiques en plein désert du Néguev.

Reste que les obstacles ne manquent pas. Le premier d'entre eux est écologique. Beaucoup de voix s'élèvent pour dénoncer les risques de déséquilibre de la mer Morte si on y introduit l'eau de la mer Rouge. «Le paradoxe est qu'en apportant de la matière organique, la mer Rouge pourrait remettre de la vie dans la mer Morte», explique Pascal Berteaud, directeur de l'eau au ministère de l'Écologie. Localement, beaucoup d'associations environnementales sont fermement opposées au projet.

«Les deux blocs de lobbying environnement contre développement économique s'affrontent sur un problème de quarante ans dont la solution est particulièrement complexe», analysent les responsables de l'ambassade de France en Israël. Sans oublier la question du coût de l'opération de 2,5 à 4 milliards de dollars selon de premières estimations et la dizaine d'années qui seront nécessaires à sa réalisation.

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